Radio France : le gouvernement prend sèchement la main dans la crise

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Le gouvernement a pris sèchement la main mercredi dans la crise qui paralyse Radio France, en grève depuis 7 jours, en sommant son président Mathieu Gallet de présenter d’urgence «un projet précis» pour l’entreprise et de rétablir le dialogue avec les salariés. La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a fait savoir mercredi qu’elle avait «convoqué» Mathieu Gallet et lui avait demandé de fournir «sous 15 jours des propositions précises et fermes» sur la stratégie de l’entreprise. Elle lui a aussi demandé «un point de situation sur les discussions avec les représentants des salariés», se disant «préoccupée par ce mouvement qui dure». «Les propositions de Mathieu Gallet jusqu’ici ne sont pas suffisamment précises et documentées», a estimé le ministère, qui juge donc ne pas avoir pour l’instant de quoi négocier et élaborer le COM (contrat d’objectifs et de moyens) qui fixera les objectifs et les moyens du groupe public. 

En filigrane, cette annonce constitue une critique sévère de Mathieu Gallet, accusé de ne pas fournir de stratégie concrète et étayée. La ministre n’a visiblement pas apprécié la divulgation ces dernières semaines par le PDG, au fil d’interviews dans la presse, de diverses pistes d’économies, avant même l’avancée des négociations avec l’Etat. C’est dans les colonnes de «Libération» que Mathieu Gallet avait annoncé en décembre que Radio France perdrait 20 millions d’euros en 2015, laissant entendre  que le groupe pourrait fermer des stations comme le Mouv’ ou Fip, avant de démentir ensuite tout projet en ce sens. Répétant que Radio France était pris en ciseau entre la baisse des dotations de l’Etat et des charges croissantes, le jeune PDG nommé en mai 2014 a aussi lancé de nombreux ballons d’essai, comme le paiement des podcasts, la fin de la diffusion sur les ondes longues et moyennes, l’élargissement des annonceurs publicitaires ou encore le transfert d’un des deux orchestres du groupe au Théâtre des Champs-Elysées. La Caisse des Dépôts, qui finance le théâtre, a répondu mardi ne jamais avoir été saisie d’une telle demande. Craignant depuis des semaines un sévère plan d’économies et des réductions d’emplois, inquiets devant le flou sur les décisions à venir, les syndicats du groupe, sauf le Syndicat national des journalistes, ont lancé depuis jeudi dernier une grève illimitée qui perturbe fortement les antennes. 

C’est le plus dur mouvement social dans le groupe depuis dix ans. Levant un coin du voile sur ses intentions en matière d’emploi, Mathieu Gallet a finalement annoncé mardi aux salariés, lors d’un CCE extraordinaire, qu’il envisageait un plan de départs volontaires pour 200 ou 300 salariés seniors. Une annonce qui devance là aussi le bouclage des négociations du COM et une éventualité qui a été aussitôt rejetée par la CGT. «Nous n’avons plus confiance en vous. Il va falloir des actes forts, un projet digne des attentes du public et des salariés. Faute de cela le conflit durera», a aussi averti SUD mardi. Les syndicats ont appelé les salariés à se rassembler à 14h30 mercredi devant le ministère de la Culture où une délégation devait être reçue à 16h00. Le PDG de Radio France est en outre affaibli par une polémique sur les frais de rénovation de son bureau ainsi que le recrutement, aux frais de Radio France, d’un conseiller pour gérer son image. Le jour même de la révélation par le «Canard enchaîné» du coût de rénovation de son bureau – 90.000 euros – la semaine dernière, la ministre a diligenté une enquête de l’IGF (inspection générale des finances) sur les dépenses du PDG.  Ce dernier a présenté ses excuses lundi au personnel tout en dénonçant «une campagne de déstabilisation».