Reconnaissance faciale, une technologie en plein essor

Reconnaissance faciale, une technologie en plein essor

Circulez, vous êtes dévisagés… En pleine mobilisation anti-raciste, les géants américains d’internet assurent qu’ils veulent limiter l’usage sécuritaire de la reconnaissance faciale, mais selon les spécialistes, il en faudrait plus pour endiguer l’essor de cette technologie, convoitée par les forces de police du monde entier. Sous la pression d’associations comme la puissante American Civil Liberties Union (ACLU) et sur fond de manifestations contre les violences policières, Microsoft, Amazon et IBM ont décidé de circonscrire les utilisations possibles de leurs outils d’analyse de visages, notamment par la police. Plus cette technologie se perfectionne, plus elle intéresse les forces de l’ordre et plus elle inquiète les défenseurs du droit à la vie privée. Car si traquer et retrouver une personne à partir d’une simple photo est le rêve de tout enquêteur, la reconnaissance faciale est aussi «une forme extrêmement intrusive de surveillance et peut gravement saper nos libertés et même notre société dans son ensemble», selon l’organisation Privacy International.En janvier 2020, une enquête du «NYT» levait le voile sur la startup californienne Clearview AI, financée notamment par l’un des 1ers investisseurs de Facebook, Peter Thiel, qui pourrait, selon le prestigieux quotidien américain, «mettre fin à la vie privée». Son fondateur, le trentenaire australien Hoan Ton-That, affirmait avoir enregistré plus de 3 milliards d’images glanées sur les réseaux sociaux, et être en mesure de faire des recherches à partir d’une simple photo directement sur un smartphone. Selon la société, 600 forces de polices à travers le monde font déjà partie des utilisateurs.Twitter, Facebook, Youtube (Google) ou LinkedIn (Microsoft) s’empressent alors de condamner cette exploitation des images de leurs utilisateurs et somment Clearview AI de supprimer ces données, sans succès pour le moment. Selon un décompte réalisé en décembre par le journaliste Nicolas Kayser-Bril, pour le compte de l’organisation Algorithm Watch, au moins 10 forces de police en Europe utilisent déjà la reconnaissance faciale, sans pour autant avoir recours aux grands noms d’internet. «Je n’ai jamais vu de contrat entre Microsoft, Amazon ou IBM et la police dans les enquêtes que j’ai faites sur le sujet», explique-t-il, nuançant l’effet des annonces de ces trois sociétés sur le développement de la reconnaissance faciale à des fins sécuritaire. «Les outils pour reconnaître des visages sont disponibles librement», et fournis aux forces de l’ordre par d’autres sociétés prestataires comme Briefcam, filiale de Canon spécialisée dans l’analyse ultra-rapide d’images et l’un des leaders du marché en Europe, ajoute-t-il. La Chine, où la reconnaissance faciale se développe tous azimuts avec la bénédiction du gouvernement, est aussi à l’oeuvre pour exporter sa technologie, notamment en Afrique via le géant des télécoms Huawei. «On peut établir la carte d’identité de chacun sans le connaître, avec nom, prénom, cursus, son expérience, sa famille, ce qu’il préfère, où il voyage», soulignait en février 2019 un responsable régional de la firme lors du 1er salon africain 100% technologique dédié à la sécurité et la sûreté, à Rabat au Maroc. En février, un rapport obtenu par le site d’information The Intercept révélait par ailleurs que 10 forces de police sur le continent européen réfléchissaient à la mise en place d’un réseau commun pour rechercher des visages, en étendant notamment les accords d’échange déjà en place sur d’autres données biométriques comme l’ADN ou les empreintes digitales. En France, le livre blanc de la sécurité intérieure du ministère de l’Intérieur, attendu dans les semaines à venir, devrait proposer quelques nouvelles pistes et notamment des expérimentations de terrain.

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