Réseaux sociaux: la difficile protection des mineurs

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Le Parlement australien vient de voter l’interdiction d’accès aux réseaux sociaux pour les moins de 16 ans. Plusieurs pays envisagent ou tentent d’instaurer des mesures similaires mais butent sur des limites techniques, les réticences des plateformes ou encore un risque d’atteinte aux libertés. Le texte australien, qui a obtenu le feu vert des 2 chambres du parlement, instaure l’une des mesures les plus strictes au monde, en obligeant les plateformes à s’assurer que les utilisateurs ont l’âge requis sous peine d’amende. Ailleurs, la protection de la jeunesse a déjà débouché sur des lois et des tentatives de régulations, sans atteindre le résultat escompté hormis dans les régimes autoritaires.

– La France se heurte au droit européen: En France, une loi votée en juin 2023 a instauré une «majorité numérique» à 15 ans, toujours pas entrée en vigueur, en attente d’une réponse de la Commission européenne sur sa conformité au droit européen. Le texte n’interdit pas l’accès des plus jeunes aux réseaux sociaux, mais impose l’obligation pour les plateformes de vérifier l’âge de leurs utilisateurs et le consentement des parents pour les mineurs de moins de 15 ans. En théorie, en France, les réseaux sociaux ne sont pas ouverts aux moins de 13 ans. Mais dans la pratique, la 1ère inscription interviendrait en moyenne vers 8 ans et demi, et plus de la moitié des 10-14 ans y sont présents, selon la CNIL. Avec la nouvelle loi, les réseaux sociaux s’exposeront, en cas de manquement, à une amende allant jusqu’à 1% du c.a. mondial de l’entreprise.

– La Norvège et l’Espagne tâtonnent: En Norvège, l’âge minimum pour accéder aux réseaux sociaux est théoriquement fixé à 13 ans. Mais plus de la moitié des enfants de 9 ans et l’écrasante majorité des enfants de 12 ans sont dessus. Face à cet échec, le gouvernement souhaite imposer un âge minimum de 15 ans et cherche un moyen efficace de le faire respecter. «Nous sommes en train d’étudier la question. L’UE est aussi en train d’élaborer une directive», ce qui pourrait constituer une solution, a déclaré au quotidien «VG» Kjersti Toppe, la ministre de l’Enfance et de la Famille. L’Espagne a également présenté en juin un projet de loi pour interdire l’accès des moins de 16 aux réseaux sociaux, sans pour autant que la façon de vérifier l’âge n’ait été déterminée.

– En Corée du Sud, l’échec de la loi «Cendrillon» : En 2011, la Corée du Sud avait adopté une loi dite «Cendrillon» qui prévoyait de bloquer l’accès aux jeux en ligne aux moins de 16 ans de minuit à 6h00 du matin. Le gouvernement est revenu sur cette décision dix ans plus tard, en 2021, abrogeant le texte, face à l’importance croissante des jeux mobiles chez les enfants et de la crainte que la réglementation ne porte atteinte aux droits des mineurs. Le texte a été remplacé par une «loi sur la fermeture sélective» permettant aux parents ou aux enfants eux-mêmes d’imposer des restrictions, mais seuls 0,01% des utilisateurs ont eu recours à ce système. En août, des députés ont proposé de réglementer l’utilisation des réseaux 14 organisations de jeunesse qui critiquent une «tentative discriminatoire de contrôler les jeunes».

– En Chine, un contrôle strict : L’interdiction d’accès aux réseaux sociaux aux plus jeunes – ou à toute autre catégorie de la population – pose moins de difficultés là où internet est étroitement contrôlé par l’Etat. La Chine restreint ainsi l’accès des mineurs depuis 2021, exigeant l’identification via un document d’identité : les moins de 14 ans ne peuvent passer plus de 40 minutes par jour sur Douyin, la version chinoise de TikTok, et le temps de jeu en ligne des enfants et adolescents est limité. Ces restrictions sont rendues possibles par un contrôle strict de l’âge des utilisateurs : l’accès aux réseaux sociaux et aux applications de messagerie requiert un numéro de téléphone valide, lié à un document d’identité. En cas de doute sur l’âge, une photo d’identité de l’usager peut être réclamée.