S. LEBRUN (Darjeeling Prod) : « Nous développons des projets, toujours guidés par le lien entre littérature et écran »

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Le programme jeunesse «Yétili» revient avec 13 nouveaux épisodes sur France.tv et Okoo. Quel est le processus de création, de l’écriture à la production ?

Séverine LEBRUN

C’est un processus très particulier, car il s’agit à la fois d’un programme de marionnettes et d’un programme autour du livre. Tout commence par la sélection des ouvrages, et c’est une étape qui prend beaucoup de temps. La littérature jeunesse est extrêmement riche, donc il faut choisir avec soin. Ensuite, nous organisons des lectures en classe. C’est un aspect auquel je tiens particulièrement, car je viens du monde du livre et j’ai l’habitude de travailler avec les enseignants. Ces rencontres avec les enfants nourrissent l’écriture des scénarios, élaborés ensuite avec des auteurs qui nous accompagnent. Une fois les histoires bien construites, nous passons à l’enregistrement des voix. On travaille avec trois comédiens, dont Michel Elias, une véritable légende du doublage. Après cette étape, on lance la création des décors et des accessoires avant d’entrer en tournage avec les marionnettistes, qui sont de véritables performeurs. Tout est fabriqué en France, en collaboration avec Moving Puppet, notre coproducteur spécialisé. Ceux qui conçoivent les vêtements, les objets… sont des artisans incroyables. Chaque petit élément est réalisé avec minutie. C’est un univers très poétique à voir en vrai.

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Sur un plan purement technique, quelles sont les spécificités de la fabrication d’un programme comme «Yétili» ? Y a-t-il des défis particuliers liés à la manipulation, à la scénographie ?

Séverine LEBRUN

Absolument. Les marionnettes, notamment les petites souris, mesurent environ 45 centimètres. Les marionnettistes doivent donc littéralement se faufiler derrière les décors, sans jamais être visibles à l’écran. C’est un vrai défi de précision. Pour Yétili, c’est encore plus technique : une personne est à l’intérieur du corps et une autre actionne la tête par-dessus, en glissant la main au-dessus de la tête de son binôme. Rien ne doit dépasser, car cela complique la post-production. Il faut souvent plusieurs prises pour obtenir un plan parfaitement propre. C’est une véritable prouesse technique, et il y a une dimension physique très exigeante pour les performeurs.

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Comment s’organise le travail entre les auteurs, les marionnettistes, les compositeurs et les équipes techniques sur un projet aussi sensible et pluridisciplinaire ?

Séverine LEBRUN

C’est un vrai travail d’équipe où chacun apporte sa sensibilité. Tout part de l’histoire, du livre sélectionné. Ensuite, chaque étape – les voix, les mouvements, les décors – enrichit la narration. Les marionnettistes, par exemple, influencent directement le caractère des personnages par leur manière de les animer. Le réalisateur, lui, joue un rôle de chef d’orchestre, veillant à l’harmonie de l’ensemble. On a même des «nounous» pour les marionnettes ! Deux personnes sont chargées de coiffer, entretenir et maquiller les personnages à chaque prise. C’est comme sur un tournage en prises de vues réelles : il faut une rigueur absolue.

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Quels sont les autres projets actuellement en production ou en développement chez Darjeeling ?

Séverine LEBRUN

Nous développons plusieurs projets, toujours avec cette idée de passerelles entre la littérature et l’écran. Par exemple, nous collaborons avec Anne Herbauts, une autrice-illustratrice jeunesse bien connue, pour développer un spécial en animation. Elle n’a jamais écrit pour l’audiovisuel, donc c’est un défi passionnant. Nous avons aussi produit «Petite Casbah»  écrit par Alice Zeniter et Alice Carré, venues de la littérature adulte et du théâtre. Nous aimons croiser les regards et les disciplines. En ce moment, nous développons également une série live pour préados, un format peu courant en France. Elle se déroule dans les Pyrénées, autour d’un ourson recueilli par des enfants, avec en toile de fond des enjeux écologiques. C’est une adaptation de plusieurs romans «Polar vert» publiés chez Milan. Nous développons aussi des projets adultes, une série d’animation documentaire tirée de la BD «Histoire de Jérusalem» publiée aux éditions les Arènes. Un projet ambitieux, mais palpitant, toujours dans cette ligne éditoriale qui cherche à donner des clés pour comprendre le monde.

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En tant que productrice, quels sont les critères qui vous font dire : «ce projet est pour nous» ?

Séverine LEBRUN

Il y a forcément une part de coup de cœur, mais aussi une vraie ligne éditoriale. Nous aimons les projets qui nous aident à mieux comprendre la vie. Personnellement, les livres et les films m’ont beaucoup aidée et m’aident encore aujourd’hui à trouver des réponses. Nous aimons proposer des points de vue alternatifs. C’est peut-être un peu abstrait, mais c’est ce fil rouge que nous suivons : des récits qui donnent du sens et qui éclairent le monde en en restituant les nuances.

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Vous avez reçu en 2022 le Prix Procirep du meilleur producteur français d’animation. Qu’est-ce que cette reconnaissance a changé pour vous ?

Séverine LEBRUN

C’était une immense fierté, surtout parce que c’est une reconnaissance professionnelle rare. Ce prix récompensait l’ensemble de notre ligne éditoriale en animation, et cela a donné de la visibilité à notre travail, souvent un peu à la marge. Chez Darjeeling, notre force est aussi notre difficulté: nous ne rentrons pas toujours dans les cases. Par exemple, une série live pour préados, il y en a très peu, donc il faut convaincre, défendre le projet, parfois lutter contre des classifications trop rigides. Ce prix nous a confortés dans notre volonté d’explorer des formats hybrides, de rester fidèles à ce mélange des genres et à notre goût pour les histoires qui sortent des sentiers battus.

LES DIRIGEANTS
Noam Roubah
Marc Lustigman
Gérants

COORDONNEES
12-14 rue Jean-Jacques Rousseau 93100 Montreuil

DATE DE CREATION
2009

PRODUCTIONS
«Yétili», «Petite Casbah», «Ordures», «67 MS», «L’amour a ses réseaux»…