S. MOATTI (Kabo Family) : «L’émergence des plateformes de streaming a modifié notre manière de travailler»

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Kabo Family (une société du groupe Asacha Media), créée en 2004 par Alain Kappauf et Christian Baumard, regroupe une dizaine de sociétés et labels. Focus sur les actualités et projets avec Stéphane Moatti.

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Quelle est la philosophie de Kabo Family ? Qu’est-ce qui guide votre approche de la production de contenus ?

Stéphane MOATTI

La philosophie de Kabo Family est axée sur l’exploitation de notre savoir-faire, en particulier dans la comédie grâce à l’expertise inégalable de notre cofondateur, Alain Kappauf. Notre approche se matérialise principalement à travers les formats courts. «Scènes de Ménages» en est à la saison 15. Nous prévoyons de poursuivre sur cette voie en produisant la 16ème saison tout en étendant la marque via des Prime Time sur M6. Nous avons également «En famille» qui revient cet été et qui aura prochainement un épisode diffusé en première partie de soirée. A travers le label Rosalita, nous venons de livrer une nouvelle série courte : «Nos meilleures années» produite par Yann Goazempis, ancien directeur de la fiction de M6. Il s’agit d’un format de comédie qui parle d’une famille à travers trois époques différentes (années 60, 80 et 2020). Nous surfons ainsi sur le rapport à la nostalgie. Toujours sur la comédie, nous faisons partie des projets «shortlistés» par France Télévisions sur la sitcom que veut lancer le groupe public. Actuellement en postproduction, «Mère indigne» (10X26’) pour Slash, autour d’Anne-Elisabeth Blateau, produite par Kapitch Production. En plus de la comédie, nous nous sommes diversifiés en produisant des fictions de grande qualité pour le Prime Time et les plateformes. Cela inclut des productions comme «L’île aux trentecercueils» (France TV) de notre filiale Thalie Images ou encore «Killer Coaster» de notre label Vacarme pour Prime Video, qui réunit les sœurs Lamy et Chloé Jouannet.

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Comment Kabo Family assure-t-elle une cohésion et une complémentarité entre ses différents labels ?

Stéphane MOATTI

On s’assure d’avoir des producteurs de talent identifiés par le marché, qui sont eux-mêmes complémentaires. Nous avons une diversité générationnelle, avec des producteurs comme Barbara Maubert, qui a commencé en tant que chargée de développement et est devenue productrice avec son propre label, Vacarme. Récemment, nous avons accueilli Lou Delbarre, une jeune productrice provenant de Canal+. Ensuite, il y a une autre génération de producteurs comme Julie Erlich, Arnaud Figaret, Yann Goazempis et Khaled Amara dont le talent n’est plus à prouver. Ces producteurs conservent leur autonomie éditoriale. Cependant, dans l’environnement concurrentiel actuel, il est nécessaire de travailler en équipe pour la réussite des projets. Mon rôle consiste à assurer une offre structurée, équilibrée entre des projets coup de cœur et des projets qui répondent aux besoins des diffuseurs. Par exemple, pour la sitcom de France Télévisions, nous avons travaillé en duo avec Yann Goazempis. Travailler en équipe est naturel pour nous, surtout quand il s’agit de «chasser» des IP qui demandent plus de ressources. De même, nous sommes capables de saisir les opportunités qui se présentent. Ça a été le cas récemment avec l’acquisition d’un format étranger à succès produit en Italie.

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Quel est l’enjeu derrière «la chasse aux IP» ?

Stéphane MOATTI

La «chasse aux IP» (Propriétés Intellectuelles) est une quête pour identifier et acquérir des licences prometteuses. Cela peut être un format, un podcast, un livre à adapter, ou même une collaboration avec d’autres producteurs européens pour développer des marques à forte valeur. Parfois, un talent individuel peut lui-même devenir une forme d’IP, en construisant quelque chose autour de certains acteurs, comme nous l’avons fait avec «Killer Coaster» et les sœurs Lamy et Jouannet, sous la direction de Nicolas Lange. La recherche d’IP est un travail collectif, nécessitant une interprétation des tendances du marché et une sensibilité individuelle. C’est un travail de fond qui demande des ressources internes et le talent de nos producteurs. Cependant, l’ensemble du jeu ne réside pas uniquement dans l’IP. Le marché local est également dynamique, avec des acteurs traditionnels comme TF1, France Télévisions, Canal+ ou M6 cherchant également à maintenir une certaine proximité avec le public

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A l’ère du streaming, comment Kabo Family envisage-t-elle l’avenir ?

Stéphane MOATTI

Je ne suis pas adepte du discours qui dit qu’il faut faire table rase du passé. Je ne crois pas en une révolution soudaine, mais plutôt en une évolution progressive. Les acteurs traditionnels de l’audiovisuel ne sont pas en voie de disparition. Cependant, l’émergence des plateformes de streaming a offert de nouvelles opportunités commerciales et a modifié notre manière de travailler. L’idée de produire des contenus originaux destinés à un public local, mais qui seront diffusés dans plusieurs dizaines de pays, nous pousse à élever notre niveau d’exigence et à modifier notre processus de production. Cependant, la concurrence est rude. Il ne s’agit pas d’un nouvel eldorado, mais plutôt d’un complément à nos commandes existantes. Les plateformes de streaming, comme tous les acteurs du secteur, font des essais. Elles sont en train d’atteindre une certaine maturité. C’est une extension du travail que nous avons réalisé pendant des années, une manière de proposer des contenus plus innovants pour rajeunir notre public.