S. SITBON-GOMEZ (France Télévisions) : «La télévision doit savoir se réinventer»

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«La télévision de tous les possibles». Voici le mot d’ordre de la rentrée de France Télévisions après un été olympique et paralympique intense. Le service public vise à continuer à faire «vibrer les Français» autour de la culture, du sport et des grands événements qui marqueront l’actualité. Tour d’horizon avec Stéphane SITBON-GOMEZ, Directeur des antennes et des programmes de France Télévisions.

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Rentrée musclée pour France Télévisions après un été olympique intense. Comment surfer sur la vague ?
STÉPHANE SITBON-GOMEZ

Depuis plusieurs années, nous sommes conscients de devoir relever ce défi. Avec le succès amplifié des Jeux olympiques et paralympiques, ce défi est devenu encore plus essentiel. Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, nous a demandé de tout faire pour éviter le baby blues, post JO. Elle nous a mis au défi de proposer le meilleur dès la rentrée : les meilleures séries, les meilleurs documentaires, un Access Prime Time repensé. En toute immodestie, je crois que c’est notre plus belle rentrée.

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Ce projet avait un nom de code : «Olympe». Vous confirmez ?
STÉPHANE SITBON-GOMEZ

Oui, il s’agit du projet «Olympe» que nous avons initié il y 18 mois. Nous avions envisagé de reconfigurer les grilles de programmes, de repenser notre Access et de mieux différencier nos Prime Time en les enrichissant et en les renforçant. Par exemple, les projets de fiction qui voient le jour cette saison ont été initiés il y a 4 ans. Quant aux documentaires, cela fait plus d’1 an et demi que nous travaillons sur une réorientation. Un changement profond a été mis en place sur les antennes de France Télévisions.

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Qu’est-ce qui vous pousse à proposer 1 heure d’info sur France 2, de 20h à 21h? Gagner de la part d’audience ?
STÉPHANE SITBON-GOMEZ

Non, il s’agit d’une véritable utilité de service public. Nous nous interrogeons tous sur la manière de combattre le fléau de la désinformation. On constate que les formats courts prolifèrent sur les réseaux sociaux : certains sont d’excellente qualité, d’autres beaucoup moins. La télévision doit savoir se différencier, se réinventer et prendre le temps nécessaire. Comme l’a souligné Alexandre Kara, directeur de l’information, il est essentiel de réorienter notre approche car, avec l’accélération numérique, le temps a disparu du débat public. Les réseaux sociaux et les chaînes d’information continue nous ont plongés dans la course au buzz, à l’instantané et à l’immédiateté. Le rôle du service public est de prendre le temps, et c’est le défi que nous nous lançons.

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Pour schématiser vos Access : une offre d’information sur France 2, une offre de feuilleton sur France 3 et une offre de talk sur France 5…
STÉPHANE SITBON-GOMEZ

Exact ! Le journal de 20 heures de France 2 évolue afin de ralentir le rythme, offrir plus d’approfondissement, d’analyse et de débat. «Un si grand soleil» prend place sur France 3 où il sera moins perturbé par les événements spéciaux. De son côté, «C à vous» a été légèrement rallongé et renforcé sur France 5, ce qui devrait permettre de mettre en valeur toute sa puissance.

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Montée en puissance sur le documentaire en Prime Time ?
STÉPHANE SITBON-GOMEZ

Il existe depuis longtemps une idée selon laquelle les documentaires en Prime Time doivent être réservés aux grands événements sur les grandes chaînes. Je ne partage pas cette vision. Ces dernières années, les plateformes de streaming ont contribué à renouveler le genre documentaire, apportant de nouvelles façons de raconter des histoires avec un hybridation des genres. Nous avons donc décidé de proposer des séries documentaires en première partie de soirée, comme «Insoupçonnable», qui revient sur l’affaire du Grêlé, ou «Notre Histoire de France» qui couvre plus de seize siècles en 6 épisodes. L’enjeu du documentaire est aussi d’aider à mieux comprendre le monde, à une époque où cette compréhension est devenue de plus en plus complexe.

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Le divertissement a lui aussi sa place. Les jeux sont-ils toujours aussi tendance ?
STÉPHANE SITBON-GOMEZ

Certains considèrent les jeux et les divertissements comme le parent pauvre de la télévision. Au contraire, il faut ramener de la joie, donner du plaisir et divertir. C’est l’une de nos missions, surtout en cette période marquée par une certaine fatigue et inquiétude. Alexandra Redde-Amiel, directrice des divertissements, souhaite toujours mettre des paillettes dans la vie des Français. C’est un peu notre défi, et je pense que nous avons une belle promesse à tenir sur ce point. Pour répondre à votre question sur les jeux, cela fait plusieurs années que nous recherchons les bonnes formules, que nous testons de nouvelles écritures et que nous rénovons des créneaux existants. «Tout le monde veut prendre sa place» le midi avec Cyril Féraud est déjà très puissant. «Slam» avec Théo Curin est aussi en bonne voie. Nous avons également investi dans le Prime Time avec «100% Logique» et nous explorons le potentiel des jeux sur le numérique. C’est une tendance forte du marché. Nous pouvons combiner «amusement et émotion» avec «connaissance et information».

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Vous allez donc investir le divertissement sur le digital ?
STÉPHANE SITBON-GOMEZ

Oui, et cela peut nous servir de laboratoire. Nous voulons offrir davantage de moyens aux streamers pour qu’ils puissent créer des productions encore plus percutantes et ambitieuses. Ils n’ont pas attendu après nous pour proposer des formats très innovants. Je crois fermement à la synergie entre la télévision et les streamers. La télévision peut apporter sa force et ses capacités de production, tandis que le streaming peut nous apporter l’innovation. Le défi pour la télévision est d’inventer! Dans les années 90, la télévision a gagné en puissance en allant chercher les grands animateurs issus des radios libres. Aujourd’hui, l’espace de liberté réside dans le numérique et le monde du streaming.

MEDIA +
Considérez-vous France TV comme une plateforme ?
STÉPHANE SITBON-GOMEZ

La distinction entre antenne linéaire et non linéaire va progressivement disparaître. Aujourd’hui, l’antenne linéaire nous sert à lancer des programmes, à leur donner plus de puissance et de visibilité. Mais au final, il n’y a qu’une seule antenne : france.tv.