S. SITBON-GOMEZ (France Télévisions) : «Nous voulons renforcer le lien et l’attachement des jeunes à leur média public»

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Les jeunes publics, pilier central de la stratégie éditoriale de France Télévisions. Ambition affichée : parler à toutes les jeunesses en les accompagnant dans toutes leurs étapes de vie. Comment le groupe audiovisuel public compte s’y prendre face à des jeunes résolument tournés vers le mobile et les réseaux sociaux ? Entretien avec Stéphane SITBON-GOMEZ, Directeur des antennes et des programmes de France Télévisions.

Face à la «rupture éditoriale» incontestable des jeunes vis-à-vis de la télévision traditionnelle, pensez-vous avoir trouvé la bonne solution pour pallier cette problématique ?

Il faut être très modeste ! Tous les médias traditionnels en France et dans le monde cherchent la bonne manière de s’adresser aux jeunes.  Nous sommes confrontés non seulement à une modification de leurs usages, mais également à une transformation des attentes, des préférences, des formats et des écritures. Cela nécessite une refonte totale de nos approches. Il est essentiel que les médias collaborent pour relever ensemble ce défi.

Vous avez exprimé le souhait de s’adresser à toutes les jeunesses. Comment assurez-vous une représentation équilibrée de toutes les sous-cultures, classes socio-économiques ?

La force de la télévision est de créer du rassemblement. Elle détient une valeur ajoutée considérable, surtout par rapport aux réseaux sociaux qui sont devenus une source d’information et de divertissement pour les jeunes. Être au service du public est une mission cruciale, particulièrement à une époque où l’on constate une tendance à l’isolement au sein de communautés spécifiques. La télévision a l’opportunité et la responsabilité de représenter chaque communauté, en s’adressant à tous avec le respect de leurs goûts et particularités individuelles. Nos choix de programmes sont également faits dans cette optique, en cherchant toujours à maintenir notre mission de créer du lien social et de promouvoir une communauté de valeurs communes. Nous aspirons à partager et fédérer autour des valeurs universelles, nous croyons fermement que c’est important et tout à fait réalisable.

Accompagner les jeunes à travers toutes leurs étapes de vie, c’est ambitieux non ?

Nous cherchons à établir une complicité avec eux. Nous voulons renforcer le lien et l’attachement des jeunes à leur média public. Notre objectif est aussi de stimuler la conversation. La manière dont les jeunes interagissent avec les médias est principalement horizontale, alors que nous avons encore tendance à adopter une approche verticale. Nous pouvons devenir ce compagnon de confiance présent à chaque étape de leur vie.

Pour séduire les jeunes, il faut marketer l’offre ?

Effectivement, c’est un choix que nous avons fait avec Okoo, Lumni et Slash. Trois offres spécifiques, linéaires et non linéaires que nous allons renforcer. Le vrai défi est le maillage que nous allons faire entre les offres digitales et nos chaînes linéaires.

Pour engager la conversation avec les jeunes générations, pensez-vous que France Télévisions doit-être aussi cool et débridé que YouTube ?

On doit clairement changer de ton et investir de nouvelles thématiques. Cela nécessite un changement radical dans notre tonalité éditoriale et dans la façon dont nous nous adressons à cette audience. Il est essentiel de trouver de nouveaux incarnants légitimes qui soient crédibles et respectées par cette génération. De plus, il nous faut adopter des styles narratifs plus adaptés, qui se libèrent des contraintes parfois imposées par le format télé.

L’accroissement du budget consacré à la jeunesse témoigne d’un engagement significatif…

Dans le cadre du plan «France 2030», l’objectif est de multiplier par trois les investissements dédiés aux jeunes audiences. Suite aux directives de Delphine Ernotte Cunci, nous avons ciblé des programmes particuliers et élaboré une stratégie précise.

Quels seront les critères pour mesurer le succès de cet investissement accru pour les jeunes publics ?

La portée (reach) sera notre premier critère d’évaluation. Nous ne pensons pas que la victoire se mesure simplement en étant leader 4+. Notre ambition est d’être populaire, fédérateur et d’atteindre l’ensemble des publics. Notre succès se définira par la perception positive que les gens auront de nous, notre légitimité et notre capacité à établir une complicité avec tous les publics. C’est une opportunité incroyable de continuer sur la lancée de la modernisation de France Télévisions, de la défaire de son image institutionnelle et de la rapprocher du quotidien des Français. En nous connectant davantage à la jeunesse, nous renforçons ce lien avec l’ensemble des téléspectateurs.

Comment voyez-vous France Télévisions évoluer dans les 10 prochaines années compte tenu de cette stratégie axée sur les jeunes publics ?

France Télévisions sera une immense plateforme. Tous les genres seront proposés. Cette dimension d’universalité et la diversité des contenus sont au cœur de notre démarche, et c’est précisément ce que nous sommes en train de construire. france.tv est en passe de devenir notre principal canal de diffusion, et nous voulons qu’il occupe cette place prépondérante dans le quotidien de chaque citoyen. Pour mener à bien cette ambition, nous ne pouvons négliger nos chaînes linéaires, qui joueront toujours un rôle essentiel même dans 10 ans. Elles serviront de catalyseur pour booster la visibilité et l’impact de notre plateforme numérique.