Des milliers de malfaiteurs ont utilisé dans le monde entier des téléphones cryptés pour organiser leur trafic de drogue, d’armes ou même des projets d’assassinats, sans savoir que ces appareils avaient été distribués dans le cadre d’une opération policière d’infiltration, qui vient de déboucher sur un spectaculaire coup de filet planétaire.
Plusieurs capitales ont révélé mardi que pendant trois ans, des milliers de ces téléphones censés permettre aux criminels de passer inaperçus avaient été disséminés dans les rangs de la mafia, de syndicats asiatiques du crime organisé, de cartels de la drogue, de gangs hors-la-loi de motards… Cette opération internationale impulsée par le FBI et baptisée «Bouclier de Troie» reposait sur un appareil appelé «AN0M», qui a été distribué dans plus de 90 pays à des malfaiteurs qui l’utilisaient pour communiquer, sans savoir que la police était aussi destinatrice des 20 millions de messages qu’ils ont au total envoyés. Ce dispositif a débouché sur des centaines d’arrestations et permis l’interception de nombreuses cargaisons de drogue, à en croire les polices de plusieurs pays et des documents judiciaires américains déclassifiés. Rien qu’en Australie, plus de 200 personnes ont été inculpées dans le cadre de cette opération qui, selon le Premier ministre australien Scott Morrison, «a infligé un coup dur au crime organisé dans ce pays, et qui aura un écho dans le monde entier». A l’origine de «Bouclier de Troie» figure l’infiltration par le FBI de «Phantom Secure», un autre système de communications cryptées, et le démantèlement retentissant d’un troisième, «Sky Global». «La fermeture de ces deux plateformes de communications cryptées a créé un vide sur le marché des communications cryptées», a expliqué mardi la police néo-zélandaise. Pour combler ce vide, «le FBI a opéré son propre système d’appareils cryptés, baptisé «AN0M»». A en croire des documents judiciaires américains déclassifiés cités par le média américain Vice, le FBI a travaillé avec des personnes connaissant ces milieux pour développer et distribuer les appareils AN0M par l’entremise du réseau Phantom Secure en disséminant 50 téléphones, principalement en Australie. Pas d’email, pas d’appel, pas de services GPS… Ces appareils ne permettait vraisemblablement que d’envoyer des messages, et uniquement à d’autres appareils AN0M. Ils ne pouvaient s’acheter qu’au marché noir, pour environ 2.000 dollars et il fallait avoir, pour les autoriser, un code transmis par un autre utilisateur d’AN0M. «Un criminel devait connaître un autre criminel pour obtenir ce matériel», a expliqué la police australienne dans un communiqué. Celle-ci s’est appuyée sur des gens ayant de l’influence dans le milieu -y compris un baron de la drogue en cavale en Turquie- pour disséminer l’appareil. «Les appareils ont circulé et leur popularité a grandi parmi les criminels, qui avaient confiance dans la légitimité de l’application car de grandes figures du crime organisé se portaient garants de son intégrité», a poursuivi la police. «Ces influenceurs criminels ont mis la police fédérale australienne dans la poche revolver de centaines de délinquants présumés», s’est félicité le chef de la police australienne Reece Kershaw dans le communiqué. «Au final, ils se sont passé les menottes les uns aux autres en adoptant et en faisant confiance à AN0M et en communiquant ouvertement avec, sans savoir que nous les surveillions tout le temps».