TF1, France TV et M6 multiplient les alliances dans la guerre contre les géants de l’internet

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Plate-forme de vidéos commune, nouvelle interface pour la publicité, batailles règlementaires à mener: les concurrents TF1, France Télévisions et M6 multiplient les alliances dans la guerre contre les géants de l’internet, sans garantie de rattraper leur retard. «S’entendre avec M6 et France Télévisions n’est pas forcément dans nos gènes», admet Régis Ravanas, DGA du groupe TF1. «Et pourtant on y arrive aujourd’hui face à ces grands changements et ces nouvelles compétitions». La bataille pour le «temps de cerveau humain disponible» a beaucoup changé depuis que Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, a inventé cette formule en 2004. Révolue, l’époque où fans de la «Une» et inconditionnels de la «Deux» se disputaient la télécommande. Chaque téléspectateur dispose désormais de plusieurs écrans et d’une variété de choix exponentielle. Pas moins de 30% des internautes français de six ans et plus ont utilisé un service de vidéo en ligne sur abonnement (SVoD) au cours de l’année écoulée, contre 20% fin 2017, selon Médiamétrie. Les chaînes regardent surtout d’un mauvais oeil la progression fulgurante de Netflix, près de 3,5 millions d’abonnés 4 ans après son lancement en France. Certes, la plate-forme américaine ne diffuse pas de publicité, mais elle grignote du «temps de cerveau». Les 3 groupes ont donc annoncé le lancement à venir de Salto, plate-forme OTT, sur abonnement et sans engagement, qui proposera leurs programmes, actuels et inédits. Cette «équipe de France de l’audiovisuel», selon les mots de Delphine Ernotte, la présidente de France télévisions, a mis du temps à se concrétiser. Le président du CSA, Olivier Schrameck, avait souhaité dès 2013 la constitution d’un tel site, et un projet de rapprochement avait échoué en 2015. «C’est toujours quand ils sont menacés qu’ils s’allient», note Claire Barbaret, analyste chez Invest Securities. «Ils avaient créé TPS quand Canal+ avait lancé CanalSat, c’était une 1ère alliance pour contrebalancer la création d’une plate-forme qui pouvait leur faire de l’ombre». Les experts des médias saluent une initiative nécessaire, mais certains posent aussi la question: trop peu, trop tard? «Il était plus que temps qu’on bâtisse une réponse ensemble», répond Julien Verley, directeur du développement commercial de France TV. «Je ne crois pas qu’il soit trop tard, mais plus vite on sera sur le marché, mieux ce sera». Face, la reconquête des audiences. Pile, leur monétisation. Là encore, les 3 groupes se sont lancés dans une démarche inédite: simplifier pour leurs clients (agences pub ou annonceurs), l’achat de «cibles» ou données anonymisées (personnes de tel sexe, tel âge, tels goûts), en fonction de leurs besoins pour des campagnes diffusées dans une vidéo sur leurs sites de «replay». Sygma, le nom de ce standard technologique commun, représente la nouvelle arme de l’audiovisuel dans la bataille du programmatique, ou marché automatisé de la publicité en ligne, en très forte croissance mais largement dominé par Google et Facebook. D’ici à 2020, plus de 83% des dépenses publicitaires sur les vidéos en ligne s’effectueront de manière automatisée aux Etats-Unis, d’après le cabinet eMarketer. En France, les recettes réalisées en programmatique ont progressé de 190% entre 2014 et 2018. «Il s’agit de proposer un outil commun pour faciliter la tâche aux annonceurs dans le numérique. Mais commercialement, on se bagarre toujours autant pour récupérer des budgets», s’amuse David Larramendy, DG de M6 Publicité. TF1 en a autant pour son adversaire. «Tous les contenus ne résistent pas de la même façon à l’arrivée des plates-formes. La fiction française et les grands événements «live» résistent. Les programmes de stock, comme la fiction américaine, résistent moins. Cela crée 2 groupes de chaînes: celles qui ont les moyens d’investir dans la création, soit France TV et TF1, et les autres», juge Régis Ravanas.