TikTok, terrain favori de l’extrême droite en Roumanie

Avec ses 1,3 million d’abonnés sur TikTok, le principal candidat d’extrême droite en Roumanie, George Simion, fait la course en tête à quelques jours de la présidentielle. Mais les autorités veillent au grain pour éviter une redite du scénario de novembre 2024. Calin Georgescu, ex-haut fonctionnaire aux mêmes idées eurosceptiques et nationalistes, avait alors remporté à la surprise générale le premier tour après une campagne massive et coordonnée sur TikTok, émaillée de soupçons d’ingérence russe. Une situation exceptionnelle qui a poussé la Cour constitutionnelle à annuler le scrutin et à l’exclure de ce nouveau vote. A 38 ans, George Simion a repris le flambeau. Favori des sondages pour le premier tour dimanche, le chef du parti AUR figure en bonne place sur l’application TikTok appartenant au groupe chinois ByteDance, très populaire en Roumanie avec 9 millions d’utilisateurs pour 19 millions d’habitants. «Nous allons leur montrer qu’on peut les battre à leur propre jeu», confie le très actif détenteur du compte Ady. «Si Simion ne gagne pas, il est clair que les élections auront été truquées». Visée par une enquête de la Commission européenne, la plateforme a dit avoir supprimé plus de 27.000 faux comptes ayant bénéficié à M. Georgescu et au parti AUR «dans le but de manipuler le discours électoral». Elle a également renforcé son équipe de modérateurs roumanophones. Bruxelles a salué «la coopération» de TikTok, évoquant la mise en place de «120 experts supplémentaires», l’organisation d’une table ronde et d’un exercice de simulation pour contrer d’éventuelles menaces. Le réseau, dont des représentants ont été conviés à Bucarest en amont de l’élection, explique être en contact étroit avec les autorités roumaines et institutions locales «via des canaux dédiés». Le gouvernement a mis en place des règles plus strictes pour désigner clairement les messages de promotion politique et confirmer la légalité des financements. Des contenus peuvent désormais être retirés des plateformes à la demande de l’Ancom, le régulateur des télécommunications. «Je suis convaincu que nous sommes mieux préparés» qu’en novembre, a récemment déclaré le président par intérim Ilie Bolojan, tout en prédisant de nouvelles «attaques hybrides pour diviser la population». Malgré ces garde-fous, les experts mettent en garde contre des algorithmes qui offrent «une visibilité disproportionnée» à des personnalités polarisantes comme MM. Simion et Georgescu. «Dans un tel écosystème, les acteurs qui comprennent la logique de la plateforme et proposent des contenus visuellement et émotionnellement attractifs sont nettement avantagés, quelle que soit la véracité du message véhiculé», décrypte Madalina Botan, maître de conférences à l’Université de sciences politiques de Bucarest. Entre coulisses de campagne et intimité familiale, George Simion maîtrise particulièrement bien ce registre, selon Raluca Radu, directrice de la faculté de journalisme, qui n’observe pas cette fois de mouvements d’algorithmes inhabituels. «Il utilise la plateforme depuis longtemps, il sait quels types de contenus publier et comment se mettre en scène», souligne l’experte, ajoutant qu’il prend soin d’exprimer régulièrement son soutien à Calin Georgescu pour renforcer sa «légitimité». Quant à M. Georgescu, qui avait été propulsé dans le top 10 des tendances mondiales en novembre selon des documents déclassifiés des services de renseignements, il est loin d’avoir disparu de TikTok. Dans des vidéos visionnées des milliers de fois, ses partisans appellent à son retour et qualifient la nouvelle élection de «farce» et de «manipulation». A l’inverse, les candidats plus modérés comme le maire de Bucarest Nicusor Dan, sont souvent la cible de critiques sur TikTok, leurs propos étant tournés en ridicule ou déclinés sur des airs musicaux loufoques.