«Le marché français de la vidéo à la demande est enfin prêt à décoller», c’est ce qu’affirme l’étude du Cabinet Oliver Wyman, intitulée «VOD: enfin une réalité en France», publiée le 29 mai. Cette étude porte sur les perspectives de croissance et les enjeux stratégiques du développement du marché de la VOD en France à l’heure où le marché audiovisuel français s’essouffle. Pour Jérôme Moitry, toutes les dynamiques sont réunies, aujourd’hui, pour le décollage de la VOD, qui devrait représenter un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros d’ici 2012.
média+ : Selon votre étude, la vidéo à la demande représenterait un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros d’ici 2012, soit plus du double du marché actuel des locations de DVD, comment êtes-vous arrivé à cette conclusion ?
Jérôme Moitry : On a pu voir, par le passé, dans les études traditionnelles, un certain pessimisme sur le marché de la VOD. Pourtant la notoriété de la VOD a beaucoup évolué ces six derniers mois, elle est passée de 18 à 35%. Partis de ce constat, nous avons tiré profit d’une étude que nous avons réalisée aux Etats-Unis, tout récemment, et dans laquelle nous avons pu évaluer l’impact d’une gamme de catalogues plus large et d’un mode d’ergonomie différent, plus représentatif de ce qu’on peut faire sur PC (recherche par mot clé, navigation à travers des noms de réalisateurs ou acteurs…). On s’est aperçu que quand on présente un catalogue aux clients consommateurs de VOD restreint (ce qui est proposé actuellement) ils seraient prêts à dépenser 35 dollars par an contre 50 dollars pour un catalogue de VOD élargi voir même 80 dollars si on y ajoute la facilité d’ergonomie d’utilisation inspirée du PC. Si on arrive à créer, d’ici à 5 ans, cet écosystème, à savoir, un modèle capable d’apporter des offres en terme de catalogue élargi et d’ergonomie d’utilisation, nous sommes confiants sur les 500 millions de chiffre d’affaires avancés.
média+ : Vous émettez une réserve en précisant que cela se fera si «les acteurs du secteur forment les bons partenariats», qu’entendez-vous par là ?
Jérôme Moitry : Il y a plusieurs acteurs aujourd’hui dans l’écosystème de la VOD et pour qui la VOD représente une opportunité. Il y a les opérateurs de télécommunications qui se sont invités sur ce nouveau marché avec la vraie ambition d’être présents car ils y voient une manière d’accroître leur revenu et de fidéliser leur base clients haut débit. Et puis, il y a les fournisseurs de contenus pour qui la VOD représente un moyen de préserver leurs royalties et d’éviter le piratage généralisé, surtout quand on sait que 4 téléchargements sur 5 sont, aujourd’hui, piratés. On compte, également, les fournisseurs d’équipements qui y voient un relais de croissance par le renouvellement des équipements. Ce qui est important c’est de créer un juste équilibre entre les différents acteurs pour que chacun puisse tirer profit du potentiel de revenus générés par le marché de la VOD.
média+ : Une autre étude, celle du Cabinet Forrester Research, montre que la vidéo à la demande payée est condamnée à s’orienter vers un modèle gratuit financé par la publicité, qu’en pensez-vous ?
Jérôme Moitry : Nous avons, effectivement, une discussion autour du modèle, nous en avons retenu quatre: la location, la vente, l’abonnement et la publicité. Aujourd’hui, nous sommes dans un système de vente, de paiement à la carte qui est plus facile à gérer en terme de versement aux ayants-droits. Mais les opérateurs télécoms mettent en avant le fait que le modèle par abonnement serait plus intéressant et semble convenir mieux aux clients surtout si on leur offre une totale sélection des contenus, mais cela révèle une difficulté de versement pour les ayants-droits. Quant à la gratuité, c’est un modèle qui existe déjà sur tout ce qui est catch-up tv, les séries télés par exemple, avec des téléchargements gratuits accompagnés de publicités. Mais la question qui se pose c’est: est-ce qu’on va arriver à cela pour les films? Pour moi, et c’est un avis personnel, arriver au modèle de gratuité sur les films, serait un échec pour le modèle économique du film payant et voudrait dire que le piratage sauvage aurait pris le dessus.