Un festival artistique multidisciplinaire en odyssée européenne autour des thématiques de l’œuvre littéraire «Ulysse»

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«Ulysse est toujours pertinent aujourd’hui»: cent ans après la publication du livre de l’écrivain irlandais James Joyce, un festival artistique multidisciplinaire a entamé une odyssée dans 18 villes européennes autour des thématiques de Ulysse, oeuvre majeure de la littérature. D’Athènes à Dublin, en passant par Budapest, San Sebastien (Espagne) ou Marseille, acteurs, metteurs, en scène, écrivains, photographes, musiciens ou même spécialistes en gastronomie, proposent créations, performances et débats autour d’Ulysse. Publié à Paris en février 1922, le roman de James Joyce (1882-1941) raconte les pérégrinations de Leopold Bloom, un Irlandais ordinaire qui suit indirectement des aventures rappelant celles du héros de l’Odyssée d’Homère à son retour de Troie, mais à Dublin. Le centenaire de cette oeuvre considérée comme une des plus importantes de la littérature anglophone a été célébré cette année avec enthousiasme en Irlande. «Ce qui nous intéressait, c’était Joyce comme figure européenne plus qu’irlandaise», explique Liam Browne, un des curateurs artistiques d’»Ulysse, une odyssée européenne», projet artistique qui a obtenu plus de 1,7 million d’euros du programme Europe créative de la Commission européenne pour un budget total de trois millions d’euros. «Dans son imagination, il interagit avec Dublin pour écrire ses romans, mais en fait sa vie quotidienne s’est déroulée dans des villes européennes, en connexion avec d’autres artistes», poursuit-il en marge d’une des performances du projet à Marseille. A l’étroit dans son Irlande natale où domine à l’époque un catholicisme conservateur, James Joyce vivra à Paris, où il croise Valery Larbaud, le poète T.S Eliot, à Trieste (Italie) ou encore à Zürich où il est enterré. Pour célébrer les 100 ans d’Ulysse, Liam Browne et son comparse Sean Doran (Arts over Borders en Irlande), associés à la productrice néerlandaise Claudia Woolgar (Brave New World) ont donc imaginé solliciter des artistes dans 18 villes européennes pour créer des performances «engagées dans la société et les questions sociales». «Nous ne voulions pas juste une célébration d’un roman qui a 100 ans car nous pensons qu’Ulysse est toujours pertinent aujourd’hui au vu des sujets abordés dans le roman», conservatisme, exil, nationalisme, place des femmes…, poursuit Liam Browne. A Marseille, samedi, les artistes irlandais et britannique Gethan and Myles, associés au collectif marseillais de theâtre ildi!Eldi, ont ainsi monté la performance «We all fall/Récit» sur la migration et l’exil, deux thèmes intimement liés à Joyce. Dans un ancien entrepôt du XIXe siècle transformé en pôle artistique et lieu d’accueil des habitants d’un quartier déshérité de la deuxième ville de France – les ateliers Jeanne Barret -, acteurs, migrants et spectateurs ont participé ensemble à un spectacle rappelant les traversées de la Méditerranée où des milliers d’hommes et de femmes tentent de rejoindre l’Europe fuyant persécution ou pauvreté. Des milliers meurent, d’autres arrivent à bon port et doivent alors écrire un récit pour tenter d’obtenir l’asile… Arrivés à Marseille d’Afghanistan, du Soudan, d’Algérie, de Guinée ou de Syrie, plusieurs exilés qui apprennent le français et refont leur vie en France ont participé à cette création. «Ca nous paraissait impossible de parler d’eux sans qu’ils soient eux-mêmes des acteurs de ce spectacle», souligne Sophie Cattani, cofondatrice de ildi!Eldi. Le projet se poursuivra dans toute l’Europe jusqu’en juin 2024. L’odyssée se terminera en Irlande, dans le sud à Dublin, puis au Nord à Londonderry où viendront des femmes artistes des 18 villes européennes participantes.