Un journaliste afghan de renom tué jeudi dans la ville de Kandahar (sud)

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Un journaliste afghan de renom a été tué jeudi dans la ville de Kandahar (sud), un jour après que les talibans ont lancé une menace à peine voilée envers les médias qui se laisseraient aller à une «couverture biaisée» des événements, a-t-on appris de source policière. 

Nemat Rawan était jusqu’au mois dernier le présentateur d’une populaire émission de débats sur Tolo News, la plus grande chaîne d’information privée du pays. Il avait ensuite rejoint le service de communication du ministère des Finances. «(Il) a été assassiné par des hommes armés inconnus», a déclaré Jamal Nasir Barekzai, le porte-parole de la police de Kandahar. 

«C’est déchirant d’entendre que mon ami et ancien collègue Nemat Rawan a été abattu aujourd’hui à Kandahar», a twitté Lotfullah Najafizada, le directeur de Tolo News. Les talibans, auxquels les autorités ont imputé plusieurs assassinats de journalistes ces derniers mois, ont démenti être impliqués. «L’assassinat de Nemat Rawan (…) n’est pas lié à l’Émirat islamique», a affirmé sur Twitter un porte-parole des talibans, en appelant ce groupe du nom donné à l’État afghan quand ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001. Mercredi, un autre porte-parole des talibans avait averti que les journalistes qui se livreraient à une «couverture biaisée» de l’information en seraient «tenus responsables». Le président afghan, Ashraf Ghani, a dénoncé une «attaque terroriste» commise selon lui par les talibans. «Les terroristes ne seront pas capables de réduire au silence la liberté d’expression et d’affaiblir la conviction de nos concitoyens que notre pays a un avenir brillant devant lui», a-t-il déclaré dans un communiqué. Abdullah Abdullah, le président du Haut conseil pour la Réconciliation nationale, a condamné la menace proférée par les talibans et «toute tentative de réduire au silence les journalistes afghans». Les assassinats ciblés de journalistes, juges, médecins, personnalités politiques ou religieuses, et défenseurs des droits, se sont multipliés ces derniers mois. Ces meurtres ont semé la terreur dans le pays et incité des membres de la société civile à se cacher ou s’exiler.

Cette vague d’assassinats a coïncidé avec l’ouverture en septembre à Doha de négociations de paix entre les talibans et le gouvernement afghan, destinées à mettre fin à deux décennies de guerre. Aujourd’hui, ces pourparlers sont au point mort, alors que les Etats-Unis ont annoncé en avril le retrait total de leurs 2.500 soldats encore restants en Afghanistan d’ici le 11 septembre, date du 20e anniversaire des attentats de 2001. Au moins 11 journalistes afghans ont été tués en 2020, et quatre auraient déjà trouvé la mort cette année, selon un récent bilan établi par Amnesty International. Début mars, trois femmes employées par la chaîne de télévision Enekaas TV avaient été assassinées à Jalalabad (Est). 

L’opération avait été revendiquée par le groupe État Islamique (EI). Près d’un millier de personnes travaillant pour les médias afghans ont quitté leur emploi ces six derniers mois, selon un comité de défense des journalistes. L’Afghanistan est 122e sur 180 pays au classement mondial 2021 de la liberté de la presse élaboré par Reporters sans frontières.