Une page se tourne à la tête du groupe allemand Siemens: Joe Kaeser, PDG depuis sept ans, va céder mercredi sa place à son numéro 2, Roland Busch, après un mandat marqué par une cure d’amaigrissement. Nommé pour cinq ans en mars dernier, Roland Busch, 56 ans, homme discret au profil technique et scientifique, était jusque-là le vice-président du directoire de l’entreprise. Son entrée en fonction coïncide avec l’annonce, mardi, d’un vaste plan de suppression de 7.800 postes dans l’ancienne filiale énergétique du groupe, Siemens Energy. Il héritera d’un groupe aux résultats solides en début d’année, même si l’exercice 2019/2020 a connu un recul, en raison de la crise sanitaire. Siemens a ainsi fait état mercredi d’une forte hausse de son bénéfice net au 1T de son exercice décalé 2020/2021, à 1,5 milliard d’euros (+38%). M. Busch prendra la tête d’un groupe qui a été bouleversé par le mandat de son prédécesseur, comme rarement depuis sa création, en 1847. Comme l’ensemble des conglomérats industriels, aux activités larges et multiples, Siemens a dû s’adapter à une économie dans laquelle la spécialisation est devenue centrale. Sous l’impulsion de son PDG, le groupe s’est concentré sur les secteurs innovants – l’industrie 4.0, les logiciels, l’automatisation – délaissant d’autres secteurs jugés moins rentables. La taille du groupe s’est donc considérablement réduite durant son mandat: le c.a. annuel du groupe, d’environ 76 milliards d’euros en 2013, est passé à 57,1 milliards d’euros en 2020. L’introduction en Bourse, en septembre dernier, de la majorité des parts de Siemens Energy, activité historique du groupe, a particulièrement marqué les esprits. Le conglomérat détient encore 35,1% des parts de cette division, et reste actionnaire principal de son ancienne filiale. Mais il devrait se délester de davantage de parts durant le mandat de M. Busch, pour devenir à terme minoritaire. Siemens a également introduit en Bourse sa branche santé, Siemens Healthineers, en 2018, et cédé ses parts dans d’autres filiales, notamment Flender (composants industriels), ou Osram (production de Led). Pour réduire la voilure, l’entreprise a aussi mené de vastes plans de restructuration ces dernières années, supprimant plusieurs dizaines de milliers d’emplois. Une stratégie critiquée par les syndicats, qui estiment que Siemens a trop pris en compte les demandes de ses actionnaires, alléchés par les cessions d’activité successives, au détriment de l’emploi. «Nous espérons que Roland Busch éloignera Siemens d’une stratégie orientée vers la Bourse», a déclaré le syndicat allemand IG Metall, qui représente les salariés du groupe. La politique du groupe risque «d’être la même», prévient toutefois Andreas Lipkow, analyste pour Comdirect. M. Busch participe depuis longtemps aux décisions chez Siemens: il siège depuis 2011 au directoire du conglomérat, dont il occupait la vice-présidence depuis octobre 2019. «Siemens est dans une meilleure position aujourd’hui qu’il y a quelques années», a affirmé ce dernier dans une interview au quotidien Sueddeutsche Zeitung en décembre, défendant la politique de son prédécesseur. Le conglomérat a relevé mercredi ses prévisions de croissance annuelle de «modérée» à «moyenne ou élevée» pour l’année 2021, malgré la crise du coronavirus qui pèse toujours et a plombé l’exercice 2019/2020. Les activités numériques que le groupe allemand a gardées, notamment les logiciels et l’automatisation industrielle, portent désormais le groupe. Le défi du nouveau PDG sera désormais de «favoriser les synergies» et de «consolider» les avancées de son prédécesseur, relève le quotidien économique allemand Handelsblatt. La passation de pouvoir doit avoir lieu lors de l’assemblée générale des actionnaires, après la publication des résultats du 1T 2020/2021.