Xavier Dolan livre une 1ère série fidèle à ses «obsessions» 

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Avec «La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé», le prodige québécois Xavier Dolan livre une première série fidèle à ses «obsessions», plongeant dans l’intimité d’une famille déchirée par le secret et le mensonge, avant de mettre sa carrière entre parenthèses. Adapté d’une pièce de théâtre de son compatriote Michel Marc Bouchard, dont l’oeuvre a déjà inspiré son film «Tom à la ferme», ce thriller psychologique de cinq épisodes d’une heure débarque lundi sur Canal+, quelques semaines après la plateforme canadienne Club illico. Il suit Mireille (Julie Le Breton), thanatopractrice réputée, de retour dans sa ville natale pour embaumer sa mère «Mado» (Anne Dorval, l’actrice fétiche de Dolan), au risque de raviver un traumatisme survenu 30 ans plus tôt… la nuit où Laurier, l’ami et voisin de son frère Julien (Patrick Hivon), «s’est réveillé». Campant le benjamin toxicomane de la fratrie, Xavier Dolan, 33 ans, figure également au casting, en grande partie identique à celui de la pièce pour laquelle il a eu «un coup de foudre» en 2019. «J’ai tout de suite voulu l’adapter en série», a expliqué, lors d’une visioconférence, ce touche-à-tout qui a «grandi avec la télé», auprès d’une mère qui suit encore «énormément de feuilletons». «C’est un média qui m’a accompagné tout au long de mon existence même si je n’avais fait que des films jusqu’à présent», ajoute le réalisateur de «Mommy» et «Laurence Anyways», dont les références vont de «Buffy contre les vampires» à «Six feet Under» en passant par «Mare of Easttown» et «The night of».» C’était pour moi un nouveau défi qui m’a transporté tout au long de la pandémie, durant laquelle j’ai commencé à écrire la série» et pu «me remettre en question». 

-Boucler la boucle- «Sensibilité», «émotion»… «On y retrouve tout ce qui nous plaît chez Xavier Dolan», a résumé le directeur de la création originale de Canal+, Olivier Bibas, saluant la capacité du cinéaste à s’accaparer le «format sériel». De fait, la série oscille avec fluidité entre le présent et les années 90 et joue des codes propres au genre comme les «cliffhangers», «des accroches de fin d’épisodes parfois peut-être volontairement grossières», selon son créateur, qui a aussi pris le temps «de dévoiler les personnages dans leur vulnérabilité». Agrémentée d’une bande-son signée Hans Zimmer («Interstellar», «Gladiator») et David Fleming, elle brasse les thèmes de prédilection du cinéaste : famille dysfonctionnelle où l’on veut «crier très fort +je t’aime mais je te déteste+», désirs refoulés, quête de soi, ostracisme, «la vie, la mort, le deuil»… Au point que le Québécois estime avoir «bouclé la boucle de (ses) obsessions». Et entend «prendre du temps» pour lui, «épuisé» par le tournage de la série et de huit long-métrages depuis 2009.»Je sens que j’arrive à un moment de ma vie où je n’ai plus d’idées, de désir de raconter ces idées», a expliqué le réalisateur dont les deux derniers films, «Matthias et Maxime» et «Ma vie avec John F. Donovan», n’ont pas attiré les foules. «J’ai besoin de reconstruire mon désir envers ce milieu-là, envers cette profession, envers tout ce que cela comporte de sacrifices, surtout en fin de projet. Parce que la préparation, le tournage, c’est tout le temps exaltant pour moi», mais pas l’après, précise celui qui veut «voyager» et «développer d’autres passions, s’intéresser à l’architecture, au décor intérieur». Xavier Dolan se questionne en outre sur la «pertinence» de son art, porté sur «l’intime» et «l’infiniment petit», dans «un monde pandémique, belligérant, en perdition totale, où tout part un peu en couilles. J’ai l’impression que les gens maintenant racontent des histoires qui sont beaucoup plus politiques, sociales et engagées, et je ne sais pas si je ferais bien ce cinéma-là».