Y. JANG-INADA (Mangas.io) : « Nous sommes la seule plateforme en Europe à proposer une offre multi-éditeurs dédiée au manga »

Mangas.io s’impose comme une alternative légale et innovante aux sites pirates de lecture de mangas, en proposant un modèle d’abonnement unique en Europe. Avec une ambition claire : offrir une expérience fluide et enrichissante aux lecteurs tout en soutenant les créateurs et éditeurs. Yun JANG-INADA, Chief of Contents Officer, nous dévoile les coulisses de cette révolution numérique et les défis relevés pour bâtir une offre attractive et compétitive.

Comment vous différenciez-vous des plateformes de lecture de mangas légales existantes ?

Notre principale différence réside dans notre modèle à l’abonnement. Nous sommes la seule plateforme en Europe à proposer une offre multi-éditeurs exclusivement dédiée au manga, et fonctionnant uniquement par abonnement. Tout est parti d’une frustration en tant que lecteurs de mangas : le marché proposait une offre principalement basée sur l’achat à l’unité, où il fallait acheter chaque tome individuellement, à un prix proche du format papier. Face à cela, de nombreux lecteurs préféraient le format physique, qu’ils pouvaient collectionner, prêter ou revendre. Nous avons donc voulu offrir une alternative plus adaptée aux usages modernes : un abonnement qui permet un accès illimité à un vaste catalogue de mangas. L’objectif est double : offrir une expérience de lecture légale et fluide, et encourager l’achat de mangas en version papier pour les titres préférés des lecteurs. D’ailleurs, plus de 60 % de nos abonnés déclarent avoir acheté un manga en physique après l’avoir découvert sur notre plateforme, ce qui démontre la complémentarité de notre modèle.

Quels sont les principaux freins à la transition des lecteurs de scantrads (scan + traduction) vers une offre légale comme la vôtre, et comment les surmontez-vous ?

Notre principal concurrent, ce sont les plateformes de scantrads, pas les autres services légaux. Pour réduire le piratage, nous devons proposer une expérience qui ait plus de valeur que les sites illégaux. Contrairement à une idée reçue, la principale raison du piratage n’est pas le prix, mais le confort d’utilisation. Les sites de scantrads sont gratuits, certes, mais ils sont souvent truffés de publicités intrusives, les traductions sont aléatoires, et il n’y a pas de fonctionnalités avancées comme la reprise de lecture. Notre stratégie est donc d’offrir un service fluide et agréable : un large catalogue, une application performante, des traductions officielles, et des outils pour prolonger l’expérience (liens d’achat de produits dérivés, recommandations personnalisées, etc.). L’exemple de Netflix ou Spotify le montre bien : lorsqu’une plateforme légale est plus pratique que l’offre pirate, les utilisateurs font naturellement la transition. C’est sur ce levier que nous misons.

Combien d’éditeurs partenaires avez-vous aujourd’hui ?

Nous travaillons actuellement avec 29 éditeurs, et nous serons à 33 d’ici la fin du mois de mars. Notre réseau comprend une vingtaine d’éditeurs japonais et la majorité des maisons d’édition françaises.

Quelle stratégie mettez-vous en place pour convaincre davantage d’éditeurs de vous rejoindre ?

Convaincre les éditeurs prend du temps, surtout au Japon, où les relations professionnelles sont basées sur la confiance et la réputation. Nous avons dû nous rendre sur place, présenter notre vision et montrer notre sérieux. Le fait que les plateformes de vente à l’unité n’aient pas réussi à percer sur le manga nous a aidés à ouvrir le dialogue : nous proposons une alternative viable, inspirée des succès du streaming dans d’autres industries.

Avez-vous envisagé d’étendre votre offre au-delà de la lecture de mangas ?

Oui, notre ambition est de faire de Mangas.io une plateforme expérientielle autour du manga. Aujourd’hui, nous intégrons déjà des liens d’achat vers les versions papier, et nous souhaitons aller plus loin : proposer des billets pour des événements (ciné-concerts, expositions), des figurines officielles, des jeux vidéo… Notre vision est de centraliser tout l’univers du manga en un seul endroit.

Quel rôle joue la data dans votre stratégie ?

Elle est essentielle. Nous analysons les lectures pour identifier les tendances et optimiser notre catalogue. Cette data est aussi un atout pour convaincre les éditeurs : nous leur montrons quelles œuvres performent bien et pourraient mériter une édition papier. Nous pensons que dans 10 ou 20 ans, la norme sera de découvrir les mangas en numérique, et seuls les titres les plus populaires seront édités en physique, un peu comme Netflix qui propose certaines de ses séries en Blu-ray.

Envisagez-vous d’intégrer l’IA pour la traduction ou d’étendre votre offre à l’international ?

L’expansion internationale est un objectif clair. Notre infrastructure technique est prête à être dupliquée dans d’autres pays. Concernant l’IA, nous sommes prudents. Certaines plateformes asiatiques veulent traduire directement les mangas via IA, mais nous pensons que les éditeurs locaux ont une vraie valeur ajoutée. En France, les traducteurs sont considérés comme des auteurs, et il est essentiel de préserver cette qualité.

Quel a été l’impact de votre passage sur M6 dans «Qui veut être mon associé ?» ?

Phénoménal ! Nous avons lancé une campagne de financement participatif en crowd equity juste après l’émission. Notre objectif était d’atteindre un million d’euros en deux semaines… En quatre jours, nous avions déjà dépassé les 4 millions d’intentions d’investissement ! Le succès de cette levée montre à quel point les lecteurs de mangas sont impliqués et prêts à soutenir un modèle qui respecte les créateurs. Nous en sommes très fiers.