L. BOULET (CFC) : “Il y a encore trop d’acteurs qui reprennent des contenus sans respecter le droit d’auteur »

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La Sacem et le Centre Français d’exploitation du droit de Copie (CFC) ont annoncé une alliance avec la société des Droits Voisin de la Presse (DVP). Quelle est la nature de cet accord ? Quels changements à venir ? Réponse avec Laura BOULET, Directrice générale – gérante du CFC.

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Trois sociétés de gestion collective unissent leurs forces. Dans quelle optique?

Laura BOULET

Proposer le meilleur de l’expertise des trois sociétés (Sacem, CFC, DVP) afin de gérer au mieux les nouveaux droits voisins des éditeurs et des agences de presse.

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Qui est à l’initiative de cette alliance ?

Laura BOULET

C’est la société des Droits Voisins de la Presse (DVP), créée en octobre 2021, qui en est à l’initiative. Cet organisme de gestion collective s’occupe des droits voisins des éditeurs et des agences de presse pour les utilisations de leurs contenus par les plateformes en ligne. DVP est allée chercher des partenaires, d’abord la Sacem qui a ce savoir-faire pour conclure des accords avec de grandes plateformes américaines comme Google et Facebook, et négocier ainsi les sommes à collecter à chaque reprise de contenu. Quant au CFC, nous gérons depuis 1983 les droits d’auteur de la presse et du livre pour les copies de leurs publications dans les secteurs professionnel et pédagogique. Nous procédons à 9 répartitions par an des sommes aux éditeurs, et reversons chaque année plus de droits aux créateurs, 52 M€ en 2021. Dans cette alliance avec la Sacem, le CFC et le DVP, chacun a sa place en fonction de son expertise.

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Les 9 répartitions réalisées par le CFC au titre du droit d’auteur concernent plus de 7.200 titres de presse. Est-ce toujours le cas ?

Laura BOULET

Absolument ! Dès qu’il y a une utilisation numérique de la presse (toutes les copies numériques utilisées par les entreprises, les directions de la communication pour un usage professionnel), nous signons des contrats, collectons le droit d’auteur et reversons les sommes. Et le CFC répartit également la part revenant aux éditeurs de presse au titre de la copie privée numérique de leurs contenus. Fort de cette expertise, dans le cadre de cette alliance, nous redistribuerons aussi les redevances dues au titre des droits voisins de la presse, collectées auprès des grands acteurs BtoC. Nous pouvons également signer des accords avec des plateformes BtoB, des prestataires veille média et de veille web. Le CFC pourrait donc servir de guichet unique pour récupérer à la fois le droit d’auteur et les droits voisins sur ce marché du BtoB. C’est un autre volet d’action qui est actuellement en discussion.

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Quels sont les grands enjeux du marché ? Faire pression sur les géants géants du numérique ?

Laura BOULET

Que ce soient les plateformes BtoC ou BtoB, il y a encore trop d’acteurs qui reprennent des contenus sans respecter le droit d’auteur et le droit voisin. Ils le monétisent par le biais de la publicité, et ne redistribuent pas la valeur. L’idée n’est pas d’interdire la reprise de contenus, mais de faire payer ce qu’ils doivent. C’est vrai également pour les prestataires de veille web qui font du crawling et vendent leurs services.

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Ils sont encore nombreux ceux qui ne respectent pas les règles ?

Laura BOULET

Sur le droit d’auteur, les règles sont plutôt bien respectées. Mais il y a toujours quelques acteurs réticents avec lesquels nous continuons d’échanger. Sur le droit voisin qui est plus récent, c’est le début des premiers accords signés depuis plus d’1 an. Il y a d’abord eu les plateformes BtoC. A terme, nous devons rechercher tous les acteurs redevables du droit voisin. C’est le chantier que nous avons à gérer ensemble. Certains éditeurs ont fait le choix de signer des accords individuels, ce qui peut être pertinent avec les grandes plateformes. Mais l’intérêt de la gestion collective est d’aller chercher tous les autres redevables et de soutenir économiquement les éditeurs et donc le travail des journalistes et la lutte contre les fakenews.