A. PIWNIK (My Fantasy) : «Avec ‘La Colo’ sur Okoo, on espère ouvrir la voie à d’autres séries jeunesse en live-action»

La série «La Colo» débarque le 4 avril sur Okoo : quels enseignements tirez-vous de cette 1ère saison ?

C’est un projet que nous avons initié il y a longtemps. À la sortie du confinement, nous avions produit pour Okoo «Chasseurs de légendes», un format hybride entre fiction et documentaire, centré sur un groupe d’enfants qui enquêtaient pour débunker des légendes urbaines. Le programme a très bien fonctionné sur la plateforme. À partir de là, Pierre Siracusa, en charge de la jeunesse chez France Télévisions s’est dit : «2P2L sait tourner avec des enfants». Et c’est vrai ! Nous produisons des programmes jeunesse depuis plus de 20 ans, comme «Wazup» sur Gulli pendant 15 ans, ou même «Mon Canard», pour ceux qui s’en souviennent… C’est un vrai savoir-faire. Nous avons donc fait le pari de produire une série avec de vrais enfants, entre 7 et 12 ans, ce qui est très rare. Contrairement à «ASKIP» ou «SKAM», nos comédiens ne sont pas de jeunes adultes : ce sont de vrais enfants, sur un vrai plateau.

Quels ont été les principaux défis de production pour «La Colo» ?

D’abord, des contraintes budgétaires : nous avons dû faire l’équivalent de trois longs-métrages pour le prix d’un seul. «La Colo», c’est 10X26’ réalisés avec le budget d’un unitaire de 90’. Il a fallu une rigueur d’organisation extrême. Ensuite, il y a la contrainte liée aux enfants : ils ne peuvent pas tourner plus de 4 heures par jour. Cela signifie que notre plan de travail devait intégrer cette limitation, en alternant les demi-journées – certains enfants ne tournaient que le matin, d’autres uniquement l’après-midi. Enfin, le choix du décor a été stratégique. Il nous fallait un lieu unique pour éviter les déplacements coûteux. Nous avons déniché un lieu formidable près de Montfort-l’Amaury : un ancien phalanstère baptisé «La Colonie», en Île-de-France. Ce lieu est presque un personnage à part entière dans la série : il rassemble lacs, forêts, rivière, bâtisse… un décor de rêve.

Vous êtes également fier de l’approche édito de la série…

«La Colo» explore un âge très peu traité en fiction : la transition entre l’enfance et l’adolescence. On s’intéresse à des enjeux qui paraissent microscopiques aux adultes mais qui sont essentiels pour les enfants : Suis-je accepté dans le groupe ? Vais-je me faire des amis ? Comment je gère ma timidité ? Ces émotions-là forgent la future adolescente ou le futur adolescent. L’idée de la série, c’est de plonger les enfants dans un univers sans autorité verticale – ni parents, ni professeurs – une colonie un peu Montessori dans l’esprit. Les enfants doivent apprendre à exister en tant qu’individus sociaux dans un groupe. Chacun d’eux a une problématique à dépasser : timidité, narcissisme, solitude… Et puis, il y a une touche de mystère avec un totem magique qui apparaît et disparaît. Celui ou celle qui le reçoit a une journée de chance. Cela déclenche une quête à la fois intime et collective.

Avez-vous amorcé ou conclu des ventes à l’international ?

 C’est France tv Distribution qui s’en charge. Ils croient beaucoup en la série et sont très confiants. À ce jour, je n’ai pas encore de retour concret, mais ils ont commencé à démarcher dès le début de l’année. J’espère que «La Colo» aura des opportunités, notamment à Séries Mania.

My Fantasy est un label de 2P2L. Quelle est votre vision stratégique ?

Historiquement, My Fantasy a d’abord exploré des formats très marqués, notamment LGBT, en travaillant avec Slash et Studio 4. On a produit «Martin Sexe Faible»puis «Man-woman case» en animation – une histoire de transidentité dans l’Australie des années 1920, qui a d’ailleurs remporté un prix à Annecy. Depuis 4 ans, on a choisi d’élargir notre spectre. On est passés de la fiction courte et thématique à des genres plus mainstream, en commençant par une comédie romantique. Depuis, on a touché au polar, à la comédie de Noël. Le fil rouge, c’est qu’on aime raconter des histoires qui ont du sens. «Les histoires d’Anouk» (Slash) traitaient de l’émancipation féminine. «Père Noël à domicile» (M6), c’est une comédie sociale qui interroge les liens familiaux. Et bien sûr, «La Colo» parle de développement personnel et collectif chez les enfants. La jeunesse reste dans notre ADN, mais on ne s’y limite pas.

Comment percevez-vous l’évolution de la demande des diffuseurs en matière de fiction jeunesse ?

Aujourd’hui, l’offre jeunesse en fiction live est quasi inexistante. Il y a eu quelques tentatives sur France Télé dans les années 90, mais ça s’est progressivement effacé. Même Disney a fortement réduit ce type de contenus. Okoo a recréé une offre. Avec «La Colo», on espère ouvrir la voie à d’autres séries jeunesse en live-action. C’est une série laboratoire : si elle fonctionne, elle pourra inspirer d’autres projets. Pour l’instant, les diffuseurs produisent surtout de l’animation, en raison des quotas ou de leurs cibles. J’espère qu’on pourra montrer que la fiction jeunesse live a encore toute sa place.

Des projets en cours chez My Fantasy ?

En animation, nous avons un projet très fort avec Ron Dyens, récemment oscarisé pour «Flow». On travaille depuis 4 ans sur une adaptation pour le cinéma. C’est un long chemin, notamment pour réunir les financements. En parallèle, on développe des séries pour les plateformes et on reste très actifs avec les chaînes historiques comme France Télé, M6 ou TF1. On discute également d’une coproduction historique avec des partenaires américains – un projet ambitieux que je ne peux pas encore dévoiler.

La coproduction est-elle aujourd’hui un passage obligé ?

Tout dépend du projet. «La Colo» ou «Meurtres en Arbois», qu’on a produit récemment pour France 3 (et qui a signé la meilleure audience de la case «Meurtres à…» cette année), ont été produits sans coproduction. En revanche, sur des projets plus lourds ou portés par d’autres talents, la coproduction s’impose. Par exemple, «Père Noël à domicile» a été coproduit avec French TV, car c’est eux qui ont apporté l’idée via Manu Joucla. Sur des séries ambitieuses, se marier est souvent indispensable. Et personnellement, je suis toujours ouvert à la coproduction, si elle a du sens éditorial et opérationnel.