Apprendre en s’amusant: un rêve à portée de manettes

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Apprendre en s’amusant: un rêve à portée de manettes selon certains développeurs de jeux vidéo qui mêlent univers féérique, intelligence artificielle et exercices ludiques. Mais l’enjeu est aussi de convaincre les parents. «Fortnite, c’est terrible», déplorait début février Brigitte Macron à l’issue d’un atelier évoquant l’addiction aux jeux vidéo. Signe que le temps passé devant les écrans, et notamment devant ce titre phare du studio Epic Games, est toujours considéré comme un enjeu de santé publique. Pourtant, certains développeurs souhaitent donner à leur art une dimension pédagogique. C’est le cas de l’équipe qui lance lundi PowerZ, décrit comme la «première pierre d’une plateforme» en libre accès qui ambitionne de devenir le «Fortnite de l’éducation». A sa tête, l’entrepreneur Emmanuel Freund a fait valider son projet par un «conseil éducatif» -composé notamment du sociologue Gérald Bronner, de Célia Rosentraub, issue de Hachette Livre (qui a investi dans le projet), ou de Charlotte Poussin, spécialiste du programme Montessori. Dans le domaine des jeux éducatifs, «tout ce qui a été fait est assez bas de gamme», assène-t-il. A l’écran, un petit personnage collectionne des animaux dans un monde très coloré. En chemin, l’avatar, de genre neutre, est confronté à des énigmes nécessitant certaines opérations de calcul, de classement ou d’écriture. A la clé, la promesse d’apprendre une multitude de disciplines, dont la mythologie grecque, la langue des signes, l’astronomie ou le solfège. «Chaque fois qu’il arrête le jeu, l’enfant revient au calme par une séance de yoga. Les personnages parlent avec un vocabulaire étendu et les parents auront une application pour retrouver ce que l’enfant a appris», fait valoir M. Freund. Savant mélange entre Animal Crossing, le titre le plus populaire du confinement, et l’éternel Pokémon, le jeu rappelle aussi la franchise Adi (Accompagnement Didacticiel Intelligent), l’un des premiers grands succès du genre avec plus de 10 millions d’exemplaires vendus dans le monde. «Ce qui a fait le succès d’Adi, c’est la personnalisation et la présence d’un personnage virtuel qui établit un lien quasi affectif avec l’enfant», explique la «mère» de la série Muriel Tramis, informaticienne et conceptrice de jeux pour le studio français Coktel Vision à l’époque.Mais «dans les années 90-92, les enfants n’étaient pas immergés dans le monde vidéoludique comme aujourd’hui», relève-t-elle. «Il faudrait désormais une sacrée recette pour ne pas paraître rébarbatif». «Dans ce qu’on appelait les jeux ludo-éducatifs dans les années 90, puis les jeux sérieux dans les années 2000, l’aspect ludique est relativement absent et la dimension éducative est très présente», remarque Romain Vincent, enseignant et doctorant sur l’utilisation pédagogique du jeu vidéo. «Aujourd’hui, les éditeurs ont tendance à créer un aspect éducatif dans les jeux vidéo classiques», ajoute-t-il, citant l’exemple du «Discovery Tour» dans Assassin’s Creed (Ubisoft): une visite guidée dans l’univers ultra-réaliste du jeu, utilisé par certains enseignants pour des cours sur la Grèce antique ou l’Égypte ancienne. Certains titres de guerre comme Soldats inconnus (Ubisoft) ou Call of Duty: World War II (Activision) multiplient de leur côté les fiches de lecture à ramasser pendant le jeu. «Pour apprendre l’histoire dans les jeux vidéo, il faut souvent poser la manette», retient le chercheur. «A l’âge où les enfants ne savent pas lire, l’éducation est un jeu. Mais à un moment donné, pour comprendre une fraction ou une conjugaison, il faut travailler et il y a un côté rabâchage», appuie Roland Oskian, cofondateur de Coktel Vision. «On ne peut qu’enrober les leçons pour les rendre plus motivantes». Certains pédagogues s’orientent aussi vers Minecraft (Microsoft), basé sur la construction et laissant une grande place à la créativité du joueur, ou la plateforme Roblox.