Bras de fer Mediapro/ football français : une inévitable baisse des droits TV ?

242

Le scénario fait peur, il semble pourtant inéluctable: le bras de fer engagé par Mediapro avec le football français risque de déboucher sur une inévitable baisse des droits TV dans les semaines ou mois à venir, une chute brutale difficile à encaisser pour les clubs. Les mots sont lâchés. «Faillite», «cessation de paiement», «catastrophe»… La plupart des spécialistes interrogés imaginent mal une sortie de crise sans dommage pour la Ligue 1, quel que soit le scénario à venir. Le raisonnement est assez simple: Mediapro avait raflé en mai 2018 auprès de la Ligue de football professionnel (LFP) les droits TV pour la L1 et la L2 pour un peu plus de 800 millions d’euros par an. Mais le groupe sino-espagnol a annoncé qu’il ne paierait plus la somme annoncée. Et depuis, les scenarii de sortie de crise fourmillent, alors que Mediapro a convoqué pour mercredi matin une conférence de presse (10h45/08h45 GMT) à Paris pour évoquer le dossier. «Bien malin qui peut prédire comment cela va se terminer. Une chose en revanche est acquise, les droits TV vont baisser», assure une source proche du dossier. «Soit la LFP cède et les droits baissent, soit ils ne cèdent pas et les droits baissent». Si la LFP décide en effet de dénoncer le contrat avec Mediapro en raison du non-paiement des échéances et de relancer un appel d’offres, voire de vendre de gré à gré, le contexte ne sera alors plus du tout le même qu’en 2018. «Le prix des droits TV est fixé en fonction de la concurrence. En 2018 il y avait 3-4 opérateurs et un aventurier. Là si on fait un appel d’offres aujourd’hui, vous avez qui?», interroge Pierre Maes, consultant, auteur du livre «Le business des Droits TV». La réponse vient très vite: la chaîne Canal plus, diffuseur historique du championnat.Là aussi, l’un des corollaires de cette crise qui semble acquis, tient dans le nouveau statut de la chaîne cryptée qui reste silencieuse, mais possède a priori toutes les cartes en mains dans ce dossier. «BeIN n’est plus dans le jeu. Canal Plus est évidemment l’opérateur le plus à même de récupérer les droits. Ils vont se retrouver en situation de quasi-monopole. C’est eux qui vont fixer le prix», pronostique Pierre Maes.Un prix qui n’atteindra pas le montant prévu par le contrat Mediapro. «Ils vont évidemment négocier à la baisse. En gros ils vont faire un peu comme ils veulent, ils sont en position de force», assure la source proche du dossier. Et c’est bien là le problème majeur. Car les clubs ont d’ores et déjà budgété et dépensé une partie de l’argent censé être versé via les droits TV, en recrutant par exemple des joueurs sur des contrats de plusieurs années. «Le problème, ça va être la transition brutale d’une période prospère à une période frugale», estime Pierre Maes. Les droits TV représentent une large partie du budget des clubs français en moyenne (36% pour la L1 en 2018-19 selon la DNCG, gendarme financier du foot français), certains clubs étant encore plus largement dépendants, comme Nîmes ou Angers. «On a laissé les clubs investir et là, on n’a plus rien. Celui qui n’a pas de trésorerie, il est mort. J’espère qu’un accord va être trouvé, sinon les clubs seront les dindons de la farce», s’inquiète Philippe Caillot, le président délégué d’Angers, dans «Ouest-France». «Il va falloir ramer. Et puis, vous pensez que les banques vont continuer à avoir confiance dans le monde du foot avec tout cela ?», s’inquiète-t-il. Concrètement, les clubs pourraient tenter de réajuster leurs budgets et tenter de revoir les contrats des joueurs déjà signés à la baisse. Un exercice quasiment impossible. «Vous avez vu les tentatives pendant le Covid? Regardez les difficultés que les clubs ont rencontré quand ils ont évoqué une baisse des salaires», rappelle Pierre Maes. Certains clubs pourraient ne pas réussir à traverser l’épreuve, incapables de faire face à ce manque de liquidités à venir. «C’est une crainte réelle, fondée et légitime», résume Pierre Maes.