Twitter : des responsabilités légales, éthiques et techniques disproportionnées par rapport aux moyens d’Elon Musk

216

L’acquisition de Twitter par Elon Musk a suscité de l’enthousiasme, de l’épouvante, et aussi beaucoup de commentaires narquois d’observateurs qui ne donnent pas cher du patron de Tesla face à la tâche gargantuesque qui l’attend, surtout s’il licenciait de nombreux employés. Car la «place publique» qu’il a rachetée pour 44 milliards de dollars a des responsabilités légales, éthiques et techniques disproportionnées par rapport à ses moyens. Twitter ne dispose pas des ressources humaines et financières de ses voisins Meta et Google, mais doit gérer des problématiques similaires, de la modération des contenus à la cybersécurité en passant par la mise en conformité avec des lois différentes selon les pays. Or Elon Musk a congédié la direction et envisage de remercier quelque 75% des 7.500 employés de Twitter, selon le Washington Post. Plus de 700 personnes sont déjà parties cet été, de leur plein gré, d’après un salarié qui souhaitait rester anonyme.

Le réseau social est critiqué aussi vertement par la droite américaine, qui s’estime censurée, que par la gauche et de nombreuses ONG qui prônent une lutte plus ferme contre les abus. Actuellement, Twitter applique des sanctions allant de l’avertissement, au retrait de tweets et à la suspension de compte pour des infractions comme une fausse information sur le Covid-19, un message raciste ou de l’incitation à la violence. «Ce n’est pas efficace à 100%. Et quand la haine ou le harcèlement passe à travers les mailles, cela se traduit par des préjudices dans la vie réelle», souligne Rebekah Tromble. Elon Musk semble déjà avoir tempéré son approche absolutiste de la liberté d’expression, pour rassurer les annonceurs, généralement soucieux de ne pas associer leur marque à des contenus non consensuels.

Le nouveau patron a promis que Twitter ne deviendrait pas «infernal» et qu’il doterait la plateforme d’un «conseil de modération des contenus» pour prendre les décisions. «Twitter a déjà eu un comité de ce type dans le passé, comme d’autres réseaux sociaux. Cela ne débouche jamais sur grand-chose», juge Rebekah Tromble. Les sociétés technologiques ont aussi mis au point des algorithmes sophistiqués pour filtrer les contenus problématiques, «mais en pratique, la modération est faite à la main par des dizaines de milliers de personnes sous payées», ajoute-t-elle. Vendredi, Elon Musk semblait déterminé à assurer lui-même le service après-vente. «Ceux qui ont été suspendus pour des raisons mineures ou douteuses seront libérés de la prison de Twitter», a-t-il par exemple répondu à une utilisatrice qui lui demandait de laisser son père revenir sur la plateforme.