C. DICKES & S. METCHE (Kantar) : «Le grand public s’informe encore majoritairement sur les médias traditionnels»

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L’étude Kantar «Media Navigator Reputation» révèle un décalage entre la perception des experts et la consommation des médias d’information par le grand public. Détails avec Christophe DICKES, Strategic Projects Manager chez Kantar et Sonia METCHÉ, Directrice des études.

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Quelle est la portée de votre étude «Media Navigator Reputation» ?

Sonia METCHÉ

Kantar a interrogé plus de 700 professionnels de la communication et plus de 6.000 personnes en Europe pour comprendre les problématiques clés du secteur de la communication et le comportement des audiences qu’ils cherchent à atteindre. Le rapport a été conçu pour offrir une analyse sur des questions telles que la confiance dans les marques media et les agrégateurs d’informations, le recours à la technologie et à l’intelligence humaine pour comprendre la couverture médiatique et son impact sur la réputation, ainsi que la nécessité de mieux exploiter les données existantes.

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Existe-t-il un décalage entre la perception des experts et la consommation des médias d’info ?

Christophe DICKES 

Absolument ! Le monde numérique a été un levier face à la crise des médias. Mais les professionnels de la communication ont surestimé l’évolution de la consommation sur les nouveaux canaux. Par exemple, ils estiment que le public recourt désormais aux réseaux sociaux et aux influenceurs pour s’informer. Mais en réalité, le grand public s’informe encore majoritairement sur les médias traditionnels (chaînes de TV, presse online et offline). Cet écart entre la perception et la réalité est aussi valable pour le podcast. Les experts considèrent le podcast comme un média capital pour communiquer. Or, dans la pratique, seuls 5% des individus déclarent y avoir recours davantage. Il y a donc un décalage entre ce que pensent les professionnels de la communication et l’adoption réelle de ces formats par le public.

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Que retenir de la consommation de la génération Z (16-24 ans) ?

Sonia METCHÉ 

Les médias historiques gagnent en importance pour les jeunes, même si ces derniers utilisent les réseaux sociaux comme source d’information principale. En revanche, seul 1 jeune sur 3 affirme remarquer la source des informations qu’il consulte sur les plateformes sociales. Les chaînes d’information et la presse (online & offline) se classent donc respectivement en deuxième et troisième place des médias qui gagnent en importance, devant les influenceurs. Cela signifie que les médias traditionnels ont su se réinventer pour toucher les publics jeunes avec de nouveaux formats : vidéo et streaming notamment. Ces médias ont aussi constitué un repère pour les jeunes, au sein de la cellule familiale durant la pandémie. La confiance à l’égard des groupes de presse et des chaînes de télévision se maintient relativement bien, alors que ces niveaux de confiance ne se retrouvent pas sur les plateformes sociales et agrégateurs d’actualités.

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Qu’est-ce qui fait que les jeunes s’intéressent de nouveau aux médias traditionnels ?

Christophe DICKES 

C’est une vraie interrogation qui nécessite d’être validée dans les prochains mois. Un des grands enseignements de l’étude est que les consommateurs ont besoin d’une information factuelle, professionnelle, fiable et vérifiée. Pour cette raison, il y a un regain de confiance dans les médias. La génération Z a visiblement conscience d’une polarisation de la société, déjà visible sur les réseaux sociaux.

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Quelles autres tendances récentes percevez-vous ?

Christophe DICKES 

On constate une forme d’inquiétude de la part des professionnels de la communication face à l’intelligence artificielle et les algorithmes qui président au choix de l’info dans le monde digital. Une inquiétude aussi face à la polarisation de la société, ce qui amène des directeurs de communication à vouloir se méfier des médias polarisés. Des plateformes comme Twitter, où l’on trouve de plus en plus d’activistes, constituent-elles encore un support de communication pour les marques ? C’est une vraie question. Enfin, concernant la presse, les abonnements numériques qui ont progressé pendant la crise ne vont pas pouvoir combler les pertes financières publicitaires et en termes d’achat de titres.