«Charlie Hebdo»/ «Je suis Charlie»: un commerce parallèle

Produits dérivés «Je suis Charlie», essais de dépôt de la marque, nouveau numéro de «Charlie Hebdo» en vente sur internet… les tentatives de récupération commerciale se multiplient depuis l’attentat mercredi dernier contre l’hebdomadaire satirique. 

Alors que le nouveau numéro de «Charlie Hebdo» sorti mercredi est déjà épuisé dans les kiosques français et que de nouvelles vagues de réassort se feront dans les prochains jours, des centaines d’exemplaires étaient proposés sur internet pour parfois des dizaines de milliers d’euros. Le prix de vente en kiosque est de 3 euros. Déjà, depuis mercredi dernier, des vendeurs avaient mis aux enchères des exemplaires, comme le numéro spécial «Charia Hebdo» de novembre 2011 ou le numéro paru le jour même de l’attentat. L’urgentiste Patrick Pelloux, chroniqueur pour l’hebdomadaire, a mis en garde mercredi matin contre des tentatives d’escroquerie: «Il n’y a pas de collecte de rue pour «Charlie Hebdo»! Attention aux crotales qui profitent. Le mieux est de vous abonner #charlieHebdo», a-t-il tweeté. La vente de produits dérivés «Je suis Charlie» sur internet a connu elle aussi un fort développement en une semaine. T-shirts, tasses, casquettes, badges… les produits arborant le logo «Je suis Charlie», trois mots en blanc et gris sur fond noir, reprenant la même typographie que celle du titre du journal, ont fleuri sur les plateformes comme eBay ou Amazon. Joachim Roncin, directeur artistique et journaliste musique au magazine «Stylist», créateur du slogan, avait pourtant déclaré mercredi dernier dans un tweet que «le message et l’image sont libres de toute utilisation, en revanche je regretterais toute utilisation mercantile». Certains particuliers qui vendent des produits «Je suis Charlie» s’étaient engagés à ne pas chercher à tirer profit des ventes. Face à cette multiplication d’offres, le site de vente en ligne eBay avait pour sa part promis de reverser «à «Charlie Hebdo» les éventuelles commissions perçues sur les (…) produits» concernés. Mercredi, le site a déclaré ne pas souhaiter «commenter plus en avant cette actualité, afin d’éviter de valoriser davantage le commerce autour de cette tragédie». 

Plusieurs sites ont retiré ces produits de leurs boutiques en ligne ou fermé les boutiques en ligne spécialisées «Je suis Charlie» rapidement, après des protestations d’internautes indignés. Les réseaux sociaux condamnent une «récupération»: «Honte à vous de récupérer la douleur et le drame de «Charlie Hebdo» en vendant des produits «Je suis Charlie»!», poste un internaute sur la page Facebook de la plateforme de personnalisation de T-shirts, Spreadshirt. 

Au vu de la célébrité de la mention, reprise lors des rassemblements et devenue l’un des hashtags (mots clés) les plus populaires sur Twitter, en figurant dans plus de 5 millions de messages postés sur ce réseau social, plus d’une cinquantaine de demandes de dépôt de marque «Je suis Charlie» ou faisant référence au slogan avaient été présentées lundi, selon une source proche du dossier. Mais l’Institut national de la propriété intellectuelle avait annoncé son refus d’enregistrer ces demandes car «ce slogan ne peut pas être capté par un acteur économique du fait de sa large utilisation par la collectivité». «Des gens se sont amusés à déposer à l’étranger la marque «jesuisCharlie», il y a une espèce de commerce parallèle qui s’organise qui est absolument indigne, lamentable, indécent, on veut éviter que ce numéro «des survivants» fasse l’objet d’une surenchère, pour qu’il soit lu urbi et orbi, vendu à son prix et pas plus», a déclaré Christophe Deloire, directeur de Reporters sans Frontières.