De Cotonou à Hollywood, les Amazones du Dahomey en tête d’affiche

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Dans le ciel de Cotonou ou sur les écrans d’Hollywood, les Amazones du Dahomey sont érigées en modèle, 130 ans après avoir combattu les troupes coloniales françaises dans le sud de l’actuel Bénin. Les Agojié, ces femmes guerrières qui constituèrent l’unité d’élite de l’armée du royaume du Dahomey au 18e et 19e siècles sont à l’affiche de «The Woman King», une super-production hollywoodienne, portée par l’actrice oscarisée Viola Davis. Le film au budget de 100 millions de dollars était projeté en avant-première samedi dans une salle de cinéma de Cotonou, la capitale économique du Bénin, le même jour que sa sortie en salles aux Etats-Unis. Dans le noir, la fierté pouvait se lire sur les visages des invités éclairés par l’immense écran du cinéma Canal Olympia. A plusieurs reprises, les applaudissements ont résonné, notamment lors des scènes les plus héroïques jouées par Viola Davis. Dans le film, l’actrice de 57 ans incarne Nanisca, une guerrière chevronnée qui forme la prochaine génération de recrues chargée de lutter contre un royaume rival africain plus important et des marchands d’esclaves européens. «Mon sang s’est glacé à un moment. Pour la princesse que je suis, certaines séquences de ce film m’ont beaucoup touchée», affirme à la sortie de la salle Sylvine Sènami Ghezo, une descendante du roi Ghézo, souverain du royaume entre 1818 et 1858. Pour Bahunde Efanam, une lycéenne de 15 ans venue avec ses parents, le film est une claque. «Nous, les femmes, nous sommes combatives, mais nous nous laissons trop souvent intimider et discriminer. Nous avons parfois peur de prendre la parole ou les 1ers rôles alors que nous sommes capables de grandes choses», lâche-t-elle. Des 2 côtés de l’Atlantique, le film a aussi charrié son lot de polémiques: Aux Etats-Unis, certains appellent au boycott du film affirmant que les Amazones défendaient un royaume qui a activement participé à la traite des esclaves. Au Bénin, le film est perçu par d’autres comme une nouvelle «appropriation culturelle» de Hollywood, le long-métrage ayant été tourné en Afrique du Sud et les acteurs, dont quasiment aucun n’est béninois, imitant l’accent des Nigérians, son voisin anglophone. Ce n’est pourtant pas la 1ère fois que les Amazones sont popularisées par le 7e art et Hollywood: les guerrières Dora Milaje dans «Black Panther», blockbuster de l’année 2018, avaient également été inspirées par les combattantes béninoises. L’opus numéro deux, qui sort en salles en novembre, devrait d’ailleurs leur faire une place plus importante. Face au succès des Amazones à l’étranger, le gouvernement béninois a décidé d’en faire la nouvelle identité visuelle du pays, au moment où il cherche  à développer son potentiel touristique grâce à sa riche histoire. Ainsi, le 30 juillet dernier, veille de la fête de l’indépendance, le président Patrice Talon a inauguré en plein coeur de Cotonou, une statue de bronze de plus de 30 mètres de haut représentant une de ces vaillantes guerrières. Les Amazones sont «une source d’inspiration au quotidien», assureSenami Totin, une militante pour les droits de la femme âgée de 28 ans, qui se réjouit de la nouvelle place donnée à cette figure dans son pays. «Dans une société patriarcale comme celle du Bénin, il faut beaucoup de courage et de détermination pour mener le combat pour l’émancipation de la femme», dit-elle, citant les viols impunis, les mariages forcés, l’éviction des femmes des héritages, mais aussi le manque de représentativité des femmes dans les instances de décision. Ces violences, ce manque d’égalité et de représentativité, n’est pas l’apanage de Bénin. Alors les guerrières sont un modèle bien au-delà du pays ouest-africain.

Ainsi «The Woman King» – avec une réalisatrice afro-américaine, Gina Prince-Bythewood, et un casting majoritairement noir et féminin – se veut être «un cadeau», explique Viola Davis.