De YouTube à TikTok, ces jeunes qui renouvellent la façon de s’informer

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Dans la banlieue de Madrid, 4 amies créent des vidéos résumant l’actualité visionnées des millions de fois sur TikTok où, comme d’autres jeunes, elles ont renouvelé la façon de s’informer et distancé les médias traditionnels. Moins de 3 ans après sa création, leur compte ac2ality est suivi par 4,3 millions de personnes, un nombre d’abonnés bien supérieur à celui de la plupart des grands médias sur ce réseau social. L’idée émerge lorsque 2 d’entre elles, alors étudiantes à Londres, font face entre 2016 et 2020 à un trop-plein d’informations sur le Brexit. «Nous lisions un paquet d’articles (de journaux), mais nous n’arrivions pas à avoir une compréhension plus générale» du sujet, raconte Gabriela Campbell, diplômée en biotechnologie de 26 ans. Avec pour mantra de «traduire les journaux» en vidéos d’1’ et sans avoir la prétention de se dire journalistes, elles décident en juin 2020, avec 2 autres amies, de créer ac2ality au moment où le réseau social chinois, aux vidéos courtes et verticales, se propage à une vitesse fulgurante chez les jeunes. Créée en quelques minutes à l’aide d’un smartphone et de quelques images rudimentaires, leur vidéo racontant le début de l’invasion russe de l’Ukraine a été vue plus de 17 millions de fois. Les réseaux sociaux, notamment YouTube, Instagram et TikTok, sont devenus les 1ères sources d’information chez les jeunes selon différentes études, comme celle du régulateur britannique Ofcom datant du mois de juillet. Si des médias créés «par des jeunes et pour les jeunes» sur les réseaux sont déjà devenus des poids lourds, comme Brut en France, «désormais, ce ne sont plus nécessairement des entreprises» qui sont à l’origine de comptes d’actualité, mais «de simples individus» en mesure «d’atteindre un nombre gigantesque de personnes», explique Nic Newman, chercheur à l’institut Reuters. En France, HugoDécrypte est l’un des comptes d’actualité les plus suivis et est parvenu à interviewer Emmanuel Macron ou Bill Gates. Son fondateur, le YouTubeur Hugo Travers, 25 ans, revendique savoir «parler à une génération» dont une partie «décrochait» lorsqu’elle «suivait l’actualité dans les médias plus traditionnels». La popularité de ces comptes sur les réseaux réside dans leurs formats courts, didactiques, créatifs, sur un ton plus léger, observe Susana Pérez Soler, professeure de journalisme numérique. Tout en avertissant qu’il s’agit, dans le cas d’ac2ality, d’un «résumé» de l’actualité et «non de journalisme», qui demande «un travail d’investigation (…) et de vérification de la véracité des sources». Les millions d’abonnés de ces comptes suscitent parfois la convoitise de grands médias cherchant à renouveler leur audience. Approché par un grand groupe espagnol, ac2ality a préféré jusqu’ici garder ses distances, sa co-fondatrice Daniela Álvarez expliquant que «l’une des clefs» de son succès «est de ne pas être associé à des médias», qui sont parfois «politisés» ou ont des procédures trop lourdes. D’autres journalistes, employés par des médias, créent en parallèle leurs propres contenus sur les réseaux, comme la Britannique Sophia Smith Galer, qui compte plus de 130 millions de vues sur son compte TikTok, où elle parle notamment de santé sexuelle. «Je suis ma propre rédactrice-en-chef» sur TikTok et «n’ai pas à convaincre un rédacteur-en-chef gardien du temple qu’un sujet est important», explique cette journaliste chez Vice News de 28 ans qui estime que les sujets «importants» pour les jeunes, comme ceux qu’elle aborde, sont trop peu couverts par les médias traditionnels. Dans certains cas, les 15-30 ans se tournent toutefois toujours vers les médias classiques, nuance Nic Newman. «Quand vous parlez d’un sujet comme l’Ukraine, beaucoup de jeunes ne veulent pas que cela leur soit présenté par des personnes de 18 ans, mais par des personnes qui sont en zone de guerre et savent vraiment de quoi elles parlent».