Des enfants dénoncent les inégalités numériques devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU

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Mariana, 12 ans, a fait tout le chemin de sa campagne dans le sud de la Colombie jusqu’à Genève pour dénoncer les inégalités numériques devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU vendredi dernier à Genève. «Si la technologie et internet font partie de la vie quotidienne des gens du monde entier, pourquoi… ce droit n’est-il toujours pas accessible à tous les enfants?» a lancé la jeune fille, vêtue d’une robe turquoise et un grand noeud assorti dans les cheveux, du haut d’une tribune en général réservée aux adultes. Avec le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme Volker Türk à ses côtés, elle dénonce le fossé numérique, statistiques à l’appui:  moins d’un tiers des ménages de la Colombie rurale ont accès à internet à la maison. Pour la première fois dans l’histoire de l’organe suprême des droits de l’Homme de l’ONU, la majorité des panélistes étaient des mineurs et en face d’eux -là où sont d’habitude assis les seuls diplomates-, il y avait pour une fois quelques enfants pour exprimer la position de leur pays. Au-delà du fossé numérique qui a pesé si lourd pendant les confinements de la pandémie de Covid-19, entre ceux qui pouvaient aller en ligne et les autres, il s’agissait de débattre des droits de l’enfant dans l’environnement numérique et des moyens de le protéger. Volker Türk -qui a fait de la lutte contre les excès de la high-tech une priorité- a souligné l’importance d’entendre de la bouche des enfants leurs idées sur le monde numérique. «Quand j’étais enfant, je pouvais à peine imaginer le monde dans lequel vous vivez aujourd’hui», a reconnu l’Autrichien de 57 ans, soulignant la «connexion instantanée avec les autres, les connaissances et l’apprentissage que vous avez à portée de main». «Nous avons vu de première main les promesses de la technologie, mais nous savons que le rythme rapide des progrès n’est pas sans risque». Comme Mariana, M. Türk a dénoncé la fracture numérique. Quelque «2,2 milliards d’enfants et de jeunes de moins de 25 ans dans le monde n’ont toujours pas accès à internet à la maison». «Ils sont laissés pour compte», a-t-il averti, soulignant que l’accès universel à internet est un droit humain. Le Haut-Commissaire et les enfants panélistes ont également exprimé leur inquiétude face aux dangers et aux pressions auxquels les enfants sont confrontés en ligne. Nidhi, une jeune podcasteuse et auteure de 14 ans originaire de Malaisie, a souligné qu’un tiers des utilisateurs en ligne dans le monde sont des enfants, mais que souvent «ils ne savent même pas comment utiliser les outils en ligne en toute sécurité ou préserver leurs informations personnelles». Cela «les rend vulnérables», met-elle en garde, estimant que «la situation est alarmante». Et de citer des estimations selon lesquelles 72 millions de données personnelles sont collectées en moyenne sur chaque enfant dans le monde avant qu’il n’atteigne l’âge de 13 ans. Une collecte agressive qui est «contraire à l’éthique et viole l’espace en ligne des enfants», selon la jeune fille. Et, évoquant une «image effrayante» qu’elle a vue à 9 ans en surfant sur le net, elle appelle à mieux protéger les enfants des contenus inappropriés. Un thème sur lequel s’est aussi penché Kidus, un jeune éthiopien de 17 ans. La technologie numérique «pose de sérieux défis affectant le bien-être et les droits (des enfants)», explique-t-il. Pornographie, exploitation sexuelle, cyberintimidation, désinformation et parfois aussi pression pour «se livrer à des activités illégales ou nuisibles comme rejoindre des groupes armés», les enfants sont des cibles de choix. «Je vous implore tous de prendre toutes les mesures législatives et administratives pour protéger les enfants de toutes les formes de violence, d’abus et d’exploitation dans l’environnement numérique», a-t-il lancé au Conseil.