E. PRIOU (SPI) : «Le rapport de forces dans la négociation est faussé»

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Mercredi 22 janvier, à l’occasion de la deuxième édition du FIPADOC qui s’est tenue à Biarritz la semaine dernière, le Syndicat des Producteurs Indépendants a proposé un coup de projecteur sur les enjeux pour le documentaire de la loi audiovisuelle. L’occasion pour média+ de revenir sur les propositions du SPI avec Emmanuel PRIOU, Président du SPI.

MEDIA +

Que reprochez-vous au projet de loi audiovisuelle ?

EMMANUEL PRIOU

Mardi 21 janvier, le gouvernement nous a présenté son projet de loi et nous laisse jusqu’à la fin de l’été pour négocier avec les acteurs du secteur. Cependant, en cas de non-accord, le gouvernement a déjà prévu et présenté son projet de loi finale. De ce fait, le rapport de force dans la négociation est faussé.

MEDIA +

Comment garantir la liberté de la création ?

EMMANUEL PRIOU

Garantir la liberté de la création, c’est garantir une part significative de production indépendante. Nous proposons d’en fixer le minimum à 66% (50% dans le projet de loi, ndlr), à remonter par le biais d’accords professionnels jusqu’à 100%. Concernant le niveau plancher d’investissements des diffuseurs dans la production audiovisuelle et cinématographique, le SPI approuve le minimum de 16% du c.a., proposé par le gouvernement pour les diffuseurs généralistes. En revanche, alors que ce dernier a fixé ce minimum à 25% du c.a. pour les diffuseurs programmant plus de 80% d’œuvres, le SPI préconise au moins 32% comme c’est le cas actuellement pour OCS en tenant compte du modèle de distribution du diffuseur.

MEDIA +

Qu’en est-il de la transparence des diffuseurs ?

EMMANUEL PRIOU

Nous devons pousser cette transparence. Le SPI demande que soit donné dans la loi la possibilité au CSA, demain l’Arcom, de reprendre le c.a. fiscal des plateformes, disponible à Bercy, et de créer un outil de mesure d’audience indépendant pour l’ensemble.

MEDIA +

Faut-il réguler les plateformes ?

EMMANUEL PRIOU

La régulation des plateformes est essentielle afin de garantir notre souveraineté culturelle, préserver l’écosystème, maintenir la liberté de création et consolider le lien auteur-producteur. Dans ce contexte, et dans l’objectif de continuer à garantir une création libre et indépendante, la 1ère demande du SPI est que soit affirmée et définie la notion de producteur délégué. Aujourd’hui, dans la loi, on ne parle pas, ou si peu, de cette place.

MEDIA +

Vous souhaitez donc une définition du producteur délégué…

EMMANUEL PRIOU

Nous souhaitons garantir le rôle du producteur délégué par une définition claire, garantissant ainsi son rôle : initiative, responsabilité, garantie de bonne fin, exploitation, gestion des droits … En outre, le producteur, non détenu par le diffuseur, reste producteur délégué, à la fois dans le cadre des quotas de production indépendants et dépendants. De ce fait, le producteur est toujours producteur délégué, et aucun lien capitalistique ne doit exister entre diffuseurs et producteurs alors que le projet de loi fixe ce taux entre 0 et 25%.

MEDIA +

Quelle place pour le documentaire ?

EMMANUEL PRIOU

Pour garantir la diffusion du documentaire, nous proposons de prévoir dans la loi un principe d’engagements de production diversifiés dans les différents genres d’œuvres audiovisuelles et dans le décret des engagements spécifiques vers le documentaire précisé par les accords interprofessionnels. Pour rappel, au-delà de la loi, le SPI milite pour un véritable plan documentaire. Pour rappel, le mode de calcul d’attribution de l’aide pour le documentaire n’est pas le même que pour les autres genres. Nous souhaitons revenir sur le relèvement du seuil d’accès au soutien automatique mais aussi d’augmenter le budget du soutien sélectif aux documentaires. A noter que depuis que Dominique Boutonnat a pris la présidence du CNC, les relations entre cet acteur et le SPI ont évolué positivement. Le président du CNC a d’ailleurs annoncé qu’il souhaitait remettre à plat le fonctionnement des aides financières attribuées et d’y retravailler.