Des militants du cinéma inclusif veulent profiter du Festival de Cannes pour donner un coup de projecteur sur l’accessibilité limitée des salles de cinéma aux sept millions de personnes sourdes et malentendantes en France. ST-SME. Ce petit sigle sur les grands écrans promet un sous-titrage pour sourds et malentendants au cinéma avec un système adapté qui retranscrit les dialogues, mais également les ambiances sonores et les bruits, grâce à un code couleur. Les projections inclusives où apparait l’acronyme ont cependant souvent lieu en semaine et en journée à l’instar de cette séance programmée un vendredi à 13h20 dans une salle obscure parisienne. «Pourtant, je suis malentendant 24 heures sur 24, sept jours sur sept», déplore Guillaume Baugin, cinéphile et président de l’ l’Association de réadaptation et défense des devenus-sourds (ARDDS). A la sortie de la séance, il sonde les «bien-entendants». «Est-ce que le sous-titrage vous a dérangés ?», demande-t-il aux quelques personnes présentes. «Un peu», répond une jeune spectatrice. «On a besoin d’un regard bienveillant. Aujourd’hui on a l’impression que les distributeurs font le minimum pour ne pas gêner les bien-entendants», commente le militant. Depuis 2005, la loi impose pourtant à tous les établissements recevant du public (ERP) d’être accessibles aux personnes handicapées, «quel que soit leur handicap». Pour le cinéma, l’accessibilité concerne «le bâtiment et les oeuvres», précise le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Guillaume Baugin évoque également la crainte d’une perte financière pour les diffuseurs. Il en est pourtant persuadé: avec des dispositifs adaptés, «on peut faire revenir en salles les millions de malentendants et leurs proches». D’autant que la technologie offre de nouvelles possibilités, comme des lunettes connectées projetant les sous-titres directement sur les verres, en plus de la boucle à induction magnétique permettant aux personnes appareillées de distinguer les informations utiles du bruit ambiant.
29% des cinémas équipés : «Il n’y a plus d’excuse pour justifier ce retard», martèle Thomas Soret, président de Unanimes, collectif national représentatif des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles. Il réclame des séances à des heures pour les familles, et une plus grande variété de films pour ce public. Un public qui croît à mesure que la population vieillit. «Aujourd’hui, les gens s’en moquent, mais quand ils seront malentendants à leur tour, ils seront contents de profiter des dispositifs inclusifs», pointe Guillaume Baugin. Près de vingt ans après l’adoption de la loi de 2005, seulement 29% des établissements de cinéma sont équipés d’un dispositif de sous-titrage SME et de son renforcé, selon une étude du CNC parue en 2023. Sourd profond de naissance, Thomas Soret pointe aussi l’inégalité territoriale. A Amboise (Indre-et-Loire), où il habite, aucune séance ST-SME n’est proposée. «Je dois poser une RTT et prendre le train pour aller voir un film», témoigne le jeune homme. Depuis 2020, le sous-titrage pour les sourds et malentendants et l’audiodescription pour les aveugles et malvoyants est pourtant obligatoire pour la délivrance de l’agrément de films français. Cette obligation s’applique à tous les supports, dont les salles de cinéma, précise le CNC, qui accompagne même les producteurs français en finançant l’audiodescription et le sous-titrage à hauteur de 200.000 euros. «Ensuite, cela dépend de la bonne volonté des distributeurs», estime Guillaume Baugin.