Festival du livre de Paris: l’Italie et TikTok à l’honneur

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Le deuxième Festival du livre de Paris, de vendredi à dimanche, invite l’Italie et prend comme partenaire un acteur qui fait de plus en plus parler de lui dans l’édition, l’application chinoise TikTok. Ce format de festival, au Grand Palais éphémère près de la tour Eiffel, se veut plus select et moins gigantesque, par rapport au salon du livre qui se tenait jusqu’en 2019 à Paris Expo Porte de Versailles. Après 90.000 visiteurs en avril 2022, édition qui a connu les imperfections d’une première, les organisateurs comptent dépasser les 100.000 cette année. «La capacité d’accueil est légèrement augmentée», «on a quasiment doublé les accès» et «on a beaucoup travaillé l’aménagement de l’espace», qui sera décoré de cyprès d’Italie, explique le directeur général de la manifestation, Jean-Baptiste Passé. Le choix du pays invité devrait attirer du public. La littérature italienne est familière aux lecteurs français, avec près de 1.000 titres par an achetés pour traduction en France. Sont attendus à Paris près de 50 auteurs, vedettes comme Alessandro Baricco, ou étoiles montantes comme Veronica Raimo («Tout faux», éditions Liana Levi). Pour l’organisateur, le Syndicat national de l’édition (SNE), le Festival est une vitrine importante de la vitalité d’un secteur économique éprouvé par la hausse du coût de la vie. «On fait en sorte que ce soit une vraie librairie d’éditeurs. Que l’identité des maisons d’éditions soit identifiable, repérable, dans un ensemble harmonieux», selon M. Passé. C’est aussi un lourd investissement. Les entrées, à 5 euros pour les plus de 25 ans, et les autres recettes (locations des stands, librairie) sont loin d’assurer l’équilibre financier de la manifestation. «L’an dernier, les éditeurs ont investi. Là on se rend compte que c’est un festival qui ne fonctionnera que s’il y a des partenaires structurants, solides. C’est une stratégie claire», affirme le président du SNE, Vincent Montagne. Le premier d’entre eux, sur les brochures et le site internet, est TikTok. La plateforme chinoise au milliard d’utilisateurs nourrit des ambitions dans le livre, pour promouvoir auprès de son public, qui a généralement moins de 30 ans, un statut de canal de référence dans la culture. Facebook n’a pas su le devenir, Twitter l’est de moins en moins, et Instagram ne pousse pas autant le phénomène «bookstagram». Le mot-dièse #booktok regroupe «plus de 17 millions de vidéos», visionnées «plus de 109 milliards» de fois, avançait la responsable des partenariats culture et éducation de TikTok en France, Élodie Ricquier Veybel, lors de la présentation du Festival en février. «TikTok est un partenaire utile: ils sont apparemment efficaces pour attirer les jeunes», constate M. Montagne. Et chez les éditeurs, «des comptes TikTok s’ouvrent toutes les semaines». Mais les ruées en librairie sur certains titres, grâce à TikTok, échappent souvent à tout contrôle. Joël Dicker, numéro deux des ventes de livres en France en 2022, s’y est lancé. Au bout de six mois, il plafonne à 5.500 abonnés. Les codes de #booktok détonnent dans le monde feutré de la littérature: orthographe hésitante, volumes maltraités, crises de larmes devant un épilogue émouvant, langage trivial… Une vidéo de janvier qui montre les couvertures de livres que vient d’acheter une tiktokeuse, Julie Ferrat, est à l’envers. Difficile de lire les titres, de droite à gauche. Tout éditeur rêverait pourtant d’y glisser les siens: elle dépasse un million de vues. «Il y a une forme de spontanéité, d’horizontalité, qui nous va très bien, si les éditeurs n’arrivent pas à toucher ce public de manière verticale», estime Jean-Baptiste Passé. «Les adolescents ne sont-ils pas les meilleurs prescripteurs des livres qu’ils lisent?».