France 3 : la justice bientôt dans le salon des Français

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Comment se déroule une audience de divorce? Un procès en correctionnelle? D’ici quelques jours, les caméras pourront faire leur entrée dans les juridictions, et France 3 y consacrera une émission à visée «pédagogique» dès septembre. Il s’agit de «faire entrer la justice dans le salon des Français, pas de verser dans la justice spectacle», a assuré la Chancellerie en présentant mardi le cadre réglementaire de ces procès filmés. Cette possibilité, voulue par le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, a été ouverte par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, promulguée en décembre, et précisée dans un décret qui sera publié d’ici la fin de la semaine. Depuis 1954, il est strictement interdit de photographier et de filmer les audiences. Quelques exceptions sont permises depuis 1985, dans le but de constituer des archives historiques, mais seuls 15 procès ont jusqu’ici reçu cette autorisation, comme celui de Klaus Barbie en 1987, le procès des attentats de janvier 2015 et celui des attentats du 13-Novembre, en cours à Paris depuis septembre. Toutes les audiences pourront désormais faire l’objet d’une demande de tournage: celles au tribunal correctionnel, au tribunal de commerce ou aux prud’hommes, mais aussi celles habituellement fermées au public, comme les audiences chez le juge des enfants, celles qui concernent les affaires familiales (divorces, autorité parentale…) ou l’application des peines. Les diffuseurs devront adresser leur demande au ministère de la Justice qui rendra un avis, la décision finale revenant aux chefs de juridiction. Critère principal: le projet doit avoir un objectif «d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique», précise la loi. «Notre ambition, ce n’est pas la captation de procès médiatiques, déjà très couverts par la presse», mais de «donner à voir la justice du quotidien, celle qui peut toucher chaque Français à un moment de sa vie», a expliqué la Chancellerie. Une fois l’autorisation obtenue, s’il s’agit d’une audience publique, les personnes présentes ne pourront pas s’opposer à la captation. Si l’audience n’est pas publique, le diffuseur devra recueillir l’accord de toutes les parties. La diffusion pourra ensuite se faire immédiatement dans le cas du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation. Dans tous les autres cas, elle ne sera possible que lorsque la décision rendue sera définitive. Les personnes présentes, magistrats compris, pourront signer un accord pour la diffusion de leur image. Dans le cas contraire, tous les «éléments d’identification» (visage, voix, détails d’état civil) devront être «occultés». Ce sera «systématiquement» le cas pour les mineurs, les personnes protégées et les forces de l’ordre. Le 1er à s’essayer à ce nouveau format sera France Télévisions, qui travaille sur le projet depuis des mois et a signé une convention avec la Chancellerie. Le groupe envisage «une émission régulière sur France 3», dont la périodicité et la case de diffusion ne sont pas encore connues. Les 1ers tournages débuteront «au printemps», dans les juridictions du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, a précisé le ministère. L’émission de France 3 souhaite ensuite être «présente partout en France», dans «des juridictions urbaines comme rurales», a indiqué France TV. Elle veut «faire preuve d’une très grande pédagogie, pour expliquer concrètement comment fonctionne la justice en France, loin de la justice «à l’américaine» que les publics connaissent finalement mieux par l’intermédiaire des films et des séries», a précisé le groupe. Tous les procès seront ainsi commentés par un journaliste judiciaire, un avocat et un magistrat. Ce critère s’imposera à tous les médias qui souhaiteraient emboîter le pas à France Télévisions: la loi prévoit en effet que la diffusion soit «accompagnée d’éléments de description de l’audience et d’explications pédagogiques et accessibles sur le fonctionnement de la justice». «Ça ne pourra pas être de la diffusion brute», souligne la Chancellerie.