Issam Krimi fait voler en éclat les frontières entre les genres musicaux

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Il a passé sa vie à «avoir l’impression d’être un mec pas normal»: pianiste de jazz devenu l’un des producteurs les plus sollicités de la scène urbaine, Issam Krimi a fait voler en éclat les frontières entre les genres musicaux. Le dernier à avoir voulu s’arracher les talents du compositeur ? Le vétéran de la rime MC Solaar qui lui a confié la direction musicale de son grand retour sur scène. Quelques mois auparavant, le public parisien l’avait aperçu sur la scène du théâtre du Châtelet, jouant du piano, lors du spectacle «Gatsby le magnifique», avec le rappeur Fianso dans le rôle-titre.

Des projets et de l’enthousiasme, Issam Krimi, 41 ans, en a la pelle, comme il le raconte. Cette figure singulière, qui fait figure d’ovni dans le monde de la musique tricolore, reste associée à un projet: celui du «Hip Hop Symphonique», qu’il dirige depuis 2016. Le principe de ce spectacle, diffusé sur la radio Mouv’ et que Canal+ a diffusé pour la première fois en décembre, est simple: inviter les plus grands noms du hip-hop à se produire … avec l’orchestre philharmonique de Radio France. Finies les partitions de Bach ou Chopin, place aux «punchlines» de Dinos, Oxmo Puccino, Youssoupha, SCH, Doria ou Rim’K. En six saisons, tenants de la vieille et nouvelle garde du rap y sont passés. Le but ? ouvrir la station Mouv’, longtemps marqué par le rock, au rap, première musique de France : «Un directeur de Mouv’ me dit : «tu as cette ouverture musicale sur le classique comme sur les musiques urbaines. Tout le monde te connait, tu as carte blanche»», se remémore Issam Krimi. «Là, tout à coup, tout est au même endroit. L’urbain comme le classique. C’était une opportunité en or», poursuit-il, soulignant que le projet a suscité quelques appréhensions du côté de l’orchestre.Avant d’en arriver là, Issam Krimi a eu une autre vie musicale.

Né à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, dans «une famille où il n’y avait pas de musique», ses parents l’inscrivent, lui et ses frères, au conservatoire. Son instrument ? Le piano. Cursus scolaire aménagé, Issam Krimi s’épanouit dans ce monde jusqu’à l’adolescence. «On t’apprend à jouer Mozart et Bach mais t’écoutes jamais Mozart et Bach. Tu écoutes du rock et du rap et quand tu arrives au conservatoire on te dit que c’est pas de la musique. Le décalage était trop fort», se rappelle-t-il. C’est la découverte du jazz, quelques années plus tard, qui va le réconcilier avec la musique. Après plusieurs albums et une critique sous le charme, il renonce. Là encore, il se sent en «décalage» et a le sentiment que cette musique est l’apanage d’une élite. Il finit par quitter ce milieu pour celui du hip-hop et se rapproche de DJ. «Je découvre que cette musique est très ouverte, qu’elle mélange tous les genres. J’étais fasciné, moi qui ait toujours eu l’impression d’être un mec pas normal», dit-il. «Il a beaucoup fait pour le rapprochement entre les différentes scènes qu’on a toujours cherché à opposer», a loué le chanteur Fianso. «Avec l’orchestre symphonique, cela donne au hip-hop une certaine classe. Tu montres que c’est une réelle musique», a complété Soolking, vantant «un incroyable musicien». Pourtant, ce passage du jazz au rap a choqué une partie de son entourage. «Je crois qu’il y a un malentendu sur la notion de «plaire au public» en France. En aucun cas cela veut dire malfaire ou faire de la merde. Par contre, en France, on le pense encore même si les mentalités bougent. Et si j’y ai un peu participé, alors tant mieux», dit-il.