J. MILLEREUX (Groupe TF1) : «Le sport féminin est un must-have publicitaire.»

À l’approche d’un été riche en compétitions internationales, TF1 affiche plus que jamais sa volonté de faire rayonner le sport féminin. Diffusion, éditorialisation, visibilité des sportives, engagement des marques : Julien Millereux, directeur des sports du groupe, dévoile la stratégie mise en place pour placer les compétitions féminines au même niveau que leurs homologues masculines. Un pari d’équilibre, d’engagement… et de performance.

Vous avez affirmé vouloir rendre le sport féminin aussi visible, soutenu et célébré que le sport masculin. Quels leviers allez-vous activer pour atteindre cet objectif ?

Cette volonté n’est pas nouvelle. On a toujours travaillé dans ce sens, on l’assume clairement. Nous avons fait le choix de ne pas traiter ces compétitions comme des «Coupes du monde féminines» ou «Euros féminins» : pour nous, ce sont des Euros, des Coupes du monde, point barre. On les traite comme telles. Cela passe par une programmation offensive, en Prime Time, sur toutes nos chaînes, avec un dispositif éditorial complet et des commentateurs-présentateurs de renom. C’est ce que nous mettons en œuvre dès cet été, avec notamment l’Euro de football, du 2 au 27 juillet, et la Coupe du Monde de rugby, du 22 août au 27 septembre, deux rendez-vous majeurs que nous portons avec la même exigence que n’importe quelle compétition masculine. On apporte notre puissance marketing et promotionnelle : spots, relais dans nos journaux télé, réseaux sociaux et plateformes digitales. C’est tout ce dispositif qui permet de faire rayonner ces compétitions.

Justement, ce rayonnement s’inscrit dans une dynamique d’attractivité croissante…

Oui, clairement. Mais nous n’avons pas attendu que ça devienne une tendance. Pour mémoire, on a acquis les droits de la Coupe du monde féminine 2019 dès… 2015. Et cette édition a rassemblé en moyenne 10 millions de téléspectateurs. C’était un vrai plafond de verre brisé. Maintenant, il faut entretenir cette flamme, continuer à investir dans les droits, dans le temps d’antenne, dans la promo. Et comme pour tout événement, le succès passe aussi par les performances des équipes de France. C’est d’autant plus vrai pour des compétitions qui ont moins de maturité médiatique. Si nos équipes vont loin, l’audience suit.

Il reste aussi un enjeu économique : François Pellissier (DGA Business & Sports – Groupe TF1) évoquait la nécessité de mieux monétiser les droits du sport féminin. Les marques jouent-elles aujourd’hui pleinement le jeu ?

On espère, oui. La commercialisation est en cours. Mais il y a encore un écart entre les discours et le marché. En 2022, par exemple, on avait à la fois un Euro féminin et une Coupe du monde masculine au Qatar. Et là, on a observé une forme de cannibalisation. C’est pourquoi on a besoin que les marques suivent. On investit des sommes importantes, donc il faut que tout l’écosystème – ayants droit, diffuseurs, sponsors – avance dans le même sens.

Comment les convaincre que ce terrain est porteur ? Les audiences suffisent-elles ?

Les audiences sont essentielles, bien sûr. Mais il y a aussi une vraie dimension affinitaire. Et c’est notre job de faire émerger des visages forts, des incarnations. Regardez Antoine Dupont pour le rugby : il symbolise aujourd’hui l’équipe de France masculine. On a besoin du même type d’incarnation pour le sport féminin, pour que les Français puissent s’identifier. Il faut des climax, des pics d’émotion. C’est ça qui déclenche l’attachement… et l’intérêt des marques. Il faut que ces compétitions deviennent des «must-have» publicitaires.

Vous insistez sur l’importance de créer de l’attachement entre le public et les sportives. C’est un vrai levier d’adhésion ?

Oui, totalement. C’est même un avantage concurrentiel. Ces équipes-là ont une fraîcheur, une spontanéité qu’on voit moins ailleurs. Les joueuses n’ont pas toujours les mêmes parcours, ni les mêmes trajectoires que certains footballeurs masculins par exemple. Et ça, c’est précieux. Il faut surfer sur cette vague.

Comment choisissez-vous les récits ou les portraits à mettre en avant sur vos antennes ?

On dépend déjà des accès que les fédérations veulent bien nous accorder. Ce n’était pas toujours le cas auparavant mais maintenant, elles ont compris l’importance de nous ouvrir les portes. On choisit les joueuses performantes, bien sûr, mais aussi celles qui ont une histoire, un parcours, une résilience. Ce sont ces récits-là qui permettent l’identification, que ce soit pour des petites fille ou des garçons.

Il y a aussi une volonté affichée d’égalité dans vos propres équipes. Vous avez signé une charte pour plus de parité dans la rédaction des sports. Quelles actions concrètes en découlent ?

Effectivement. Je l’ai signée pour TF1 Sports. L’idée, c’est de donner leur chance à des jeunes journalistes, en particulier des femmes, et pas uniquement à l’antenne. On travaille avec l’association «Femmes, Genres et Sports», pour recevoir plus de profils qualifiés, ce qui n’était pas toujours le cas dans le passé. On profite des grands événements pour intégrer des talents en externe, et on le fait à chaque fois. C’est une façon d’enrichir notre rédaction, qui reste à taille humaine.

Comment envisagez-vous l’équilibre futur entre compétitions masculines et féminines sur vos antennes ?

Depuis plusieurs années, on essaie de construire une offre équilibrée. Sur le handball, par exemple, on a les Euros et les Coupes du monde hommes et femmes. Même chose sur le basket. Pour le rugby, on est sur le même schéma. Sur le football, on essaie aussi, même si la commercialisation des droits est parfois séparée. C’est une construction sur la durée. Il faut valoriser le fait qu’un diffuseur comme TF1 le fasse, et continuer à monter en puissance. On le voit : les finales féminines de hand rassemblent plus de 5 millions de téléspectateurs. C’est déjà une réalité.

Prochain temps fort : le 15 juin, avec PSG-Atlético dans le cadre de la Coupe du monde des clubs. Est-ce un événement isolé ou le début d’un engagement durable pour TF1 ?

La Coupe du monde des clubs est une nouvelle compétition, organisée tous les quatre ans. Les droits sont gérés par Dazn, qui les revend ensuite à d’autres diffuseurs, comme nous. On a choisi d’y aller – même avant de savoir que le PSG allait gagner – car c’est un événement porteur. On verra comment le public réagit.