Canal + a organisé la semaine dernière un colloque au Sportel de Monaco intitulé «Révolution numérique: vers une augmentation accrue des droits sportifs et une multiplication des formats». L’occasion pour média+ de rencontrer Jean-Louis Dutaret, Directeur des acquisitions et des événements sports de Canal+ et Président de Canal+ Events.
média+ : Quelle est la prochaine étape de l’évolution numérique dans le sport ?
Jean-Louis Dutaret : La prochaine évolution sera la capacité des opérateurs à pouvoir – non seulement – posséder l’exclusivité d’un événement sportif mais surtout de la décliner sur l’ensemble des supports. C’est ce que notre groupe essaie de faire. Nous assistons à la disparition de la télévision telle que nous la concevons. Nous allons donc proposer une déclinaison des événements grâce à la multiplicité des écrans existants. Ce changement sera opéré par Canal+, Orange, France Télévisions… Désormais, vous ne regarderez plus la télévision mais de la vidéo.
média+ : La concurrence avec Orange est très forte, seriez-vous prêt à surenchérir les droits sportifs en général ?
Jean-Louis Dutaret : Pourquoi voulez-vous qu’Orange soit plus fort? Pour l’instant ils ne l’ont pas beaucoup montré. Pour les droits de la «Ligue 1», ils ont pris un lot et ils l’ont payé très cher. Mais ce n’est pas suffisant pour fabriquer une chaîne !
média+ : Est-ce que la multiplication des formats pourra engendrer une segmentation des droits ?
Jean-Louis Dutaret : Avec l’évolution d’Internet il est possible de multiplier les droits des programmes. On peut par exemple avoir des droits Internet, des droits TV… Mais il est impensable aujourd’hui que ces droits n’appartiennent pas à la même personne. Il y a deux ans, des vendeurs nous expliquaient que nous allions assister à une fragmentation du direct, qu’on ne pouvait acquérir que tel droit et que tel autre était réservé. Mais il est impossible d’obtenir un direct morcelé pour des opérateurs traditionnels alors même qu’on les achète à des prix très élevés. Aujourd’hui, les agences et les titulaires de droits ont un discours totalement différent. Ils utilisent l’expression «Get Keepeer». Ils nous proposent d’acquérir la totalité des droits du direct. Chaque ayant droit a le monopole des droits qu’il achète.
média+ : Quel bilan faites-vous a priori de cette segmentation des droits ?
Jean-Louis Dutaret : Il existe une dichotomie entre la théorie de la segmentation des droits – et la politique pratique – qui est celle de vendre. Un opérateur comme Canal utilise tous les formats possibles: en plus du direct sur la télévision payante traditionnelle, nous offrons sur CanalSat la totalité des matchs de la ligue française de football sur Foot+. Pour les autres sports, vous les retrouvez sur Rugby+, canal-plus.fr et CanalSat mobile. Il ne s’agit pas de geler les droits mais de les utiliser afin de les offrir sous une multiplicité de formats afin de toucher un grand nombre de téléspectateurs. Le monde réel est différent de ce que la théorie peut permettre.
média+ : Au-delà de l’aspect économique, quel est l’avantage de multiplier les écrans ?
Jean-Louis Dutaret : Notre groupe avait la volonté d’éditorialiser ses programmes au maximum. Les grands opérateurs ayant la capacité de diffuser les programmes sur un ensemble de formats apportent une plus-value importante dans l’éditorialisation. C’est un avantage considérable.
média+ : Quels sont les développements mis en place par Canal pour le sport?
Jean-Louis Dutaret : Nous avons tendance à occuper le terrain au maximum. Nous payons des droits excessivement chers. Nous les utilisons le mieux possible en les éditorialisant un maximum. Si vous regardez Sport+ – une chaîne que nous développons – vous trouverez des sports dits «secondaires» à des heures importantes. Le groupe Canal utilise la multiplicité des formats et des chaînes de sports pour effectivement gagner de l’argent. Nous produisons près de 70 disciplines non seulement sur Internet – mais également sur des chaînes accessibles à un public ayant une vision plus passive de la télévision. Durant le marché du Sportel, notre groupe a renouvelé les droits de la nouvelle saison du Championnat de Basket.