L’affaire d’Outreau reconstituée dans un documentaire diffusée à partir de mardi sur France 2

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L’affaire de viols d’enfants d’Outreau, qui avait abouti à de longues incarcérations pour des innocents, est reconstituée dans un documentaire diffusé à partir de mardi sur France 2, qui sollicite nombre d’acteurs de cette catastrophe judiciaire. En quatre épisodes de 50 minutes, «L’Affaire d’Outreau» retrace les faits, 20 ans plus tard. Principalement avec des acteurs ressemblant beaucoup aux hommes et aux femmes entraînées dans ce fiasco des juges. Sur 17 accusés jugés en première instance en 2004, originaires d’Outreau (Pas-de-Calais) et de ses environs, la justice ne retiendra finalement que quatre coupables de viols à l’issue du procès en appel en 2005. Par quel engrenage une affaire d’inceste a-t-elle pris ces proportions? Comment l’ont vécue ceux qui ont été écroués avant de même comprendre pourquoi on les mettait en cause? Le documentaire tente de répondre à ces questions. Avec ce dossier où sont évoqués de soi-disant tournages de films pédocriminels et zoophiles, et le meurtre d’une enfant qui n’a jamais existé, «on peut faire quelque chose de spectaculaire. L’enjeu c’était de rester digne, de rester sobre. Surtout pas de pathos, ne pas s’apitoyer», expliquait lors de la projection à la presse le coréalisateur Olivier Ayache-Vidal. Il a assez peu recours aux archives. Et l’un des grands personnages de ce procès, l’actuel garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, avocat de la défense à l’époque, ne fait par exemple qu’une apparition furtive. Le ministre fait partie de ceux qui ont refusé de s’exprimer ou n’ont pas été sollicités, tout comme deux magistrats de Boulogne-sur-Mer au rôle déterminant: le juge d’instruction Fabrice Burgaud et le procureur Gérald Lesigne. Le premier, âgé de la trentaine à l’époque de l’instruction (2001-2003), est aujourd’hui affecté à la Cour de cassation. «M. Burgaud pensait tenir l’affaire du siècle, pensait tenir un réseau pédophile international. (…) Ce dossier l’obsédait», constate une avocate de la défense, Fabienne Roy-Nansion, pour expliquer son obstination. «L’affaire d’Outreau, c’est l’affaire de Myriam Badaoui [une mère coupable de viols qui accuse une vingtaine de personnes] qui dit, qui accuse et que l’on croit», ajoute un de ses confrères, Julien Delarue. Le documentaire donne longuement la parole à trois autres magistrats, deux policiers dont un Belge, huit avocats, deux journalistes de télévision, et surtout quatre acquittés. Ces derniers décrivent leur sidération d’être accusés de viols sur enfants. Aussi bien Dominique Wiel, prêtre ouvrier qui habitait le quartier où se sont déroulés les faits, que Thierry Dausque, qui connaissait le couple au centre de ces accusations, ou Daniel Legrand fils et Alain Marécaux, traînés dans cette affaire sans connaître aucun des protagonistes.

Autre témoin pour France 2: l’un des enfants de Myriam Badaoui, Jonathan Delay, six ans à l’époque. Il détaille sa vision sur cette affaire où se succèdent les interrogatoires, et son amertume, à la fin, de passer pour un «menteur» parce qu’il n’a pas contredit les accusations lancées par sa mère. «La question que je me suis posée très tôt, c’est: pourquoi 20 ans plus tard aller solliciter ces gens, qu’est-ce qu’on allait leur apporter?», a fait valoir la co-autrice du film, Agnès Pizzini. «Ils nous donnent beaucoup et il fallait qu’ils trouvent leur compte». Certains pleurent face à la caméra, pas encore remis des mois d’incarcération. Mais tous donnent leurs conseils, en plateau, aux acteurs qui les incarnent, ou confient un goût de vivre retrouvé. «L’avocat général, je sais pas pourquoi, je l’aimais bien. J’aurais même pu discuter avec, aller boire un coup avec», avoue Thierry Dausque en repensant à son procès en appel, où son innocence a enfin été reconnue.