Le documentaire «Hallelujah: Leonard Cohen, a journey, a song» en salles aux Etats-Unis

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C’est un air universel qui va aussi bien à Jeff Buckley qu’à Shrek. Pourtant la chanson culte «Hallelujah» de Leonard Cohen fut ignorée à sa sortie il y a bientôt quarante ans, un destin hors normes raconté dans un nouveau documentaire en salles aux Etats-Unis. Pour beaucoup, c’est toujours un morceau de Jeff Buckley, le rockeur au visage et à la voix d’ange, mort en 1997 à 30 ans. Mais de Bob Dylan à Bon Jovi, de Céline Dion à Andrea Bocelli, qui n’a pas posé sa voix sur les couplets chargés de références bibliques et d’érotisme du poète canadien décédé en 2016? En 2008, quand elle fut reprise avec succès en mode gospel par Alexandra Burke dans le concours télé britannique The X Factor, «Hallelujah» s’est classée 1re, 2e et 36e dans les classements musicaux anglais, respectivement les versions de Burke, l’inoubliable de Jeff Buckley et l’originale de Leonard Cohen. «Je ne vois pas d’autre chanson avec une telle trajectoire», assure le journaliste musical Alan Light, auteur d’un livre sur «Hallelujah» («The Holy or the Broken», non traduit en français), sorti en 2012 et réédité dans une version actualisée. «Il a fallu 10 ans, 20 ans, passer par toutes ces différentes versions, puis elle prend son élan, et la boule de neige devient de plus en plus grande», ajoute-t-il en marge d’une projection à New York du documentaire «Hallelujah: Leonard Cohen, a journey, a song», auquel il a participé comme conseiller et producteur. Car comme le raconte ce film de Dan Geller et Dayna Goldfine, inspiré du livre d’Alan Light, c’est aux oubliettes que fut d’abord promise la chanson. Poète avant d’être chanteur, juif pratiquant qui se retirera plus tard dans un monastère bouddhiste, Leonard Cohen a sué des années pour écrire les couplets spirituels et imagés d’»Hallelujah», une évocation du roi David, de sa musique et de ses tentations. Il laisse de côté des dizaines de vers. Mais la maison de disque Columbia refuse de sortir le disque «Various positions», où figure le morceau, aux Etats-Unis. «Nous sommes en 1984, c’est un moment de boom pour l’industrie de la musique. C’est l’année de «Born in the USA» (Bruce Springsteen), de «Like a Virgin» (Madonna), de «Purple Rain» (Prince)», explique Alan Light. Quelques années plus tard, Bob Dylan sort la chanson de l’anonymat, dans une reprise blues-rock. Puis John Cale, l’un des fondateurs du Velvet Underground, lui donne un tour plus sensuel en 1991, avant Jeff Buckley et sa version encore plus érotisée, dans l’album «Grace» (1994). Le documentaire montre comment «Hallelujah», découverte par de nouvelles générations dans le dessin animé «Shrek» (2001) – puis dans «Tous en scène» en 2016 – est devenu un morceau de culture populaire. En 2010, la Canadienne k.d. lang l’a reprise d’une voix puissante à la cérémonie des JO d’hiver de Vancouver. Onze ans plus tard, c’est encore «Hallelujah» qui est chantée lors d’un hommage aux victimes du Covid-19 à Washington, devant Joe Biden. Pour Alan Light, il y a d’abord la «beauté de la mélodie». Mais aussi des paroles qui laissent libre cours aux interprétations. «Si, pour vous, c’est une chanson religieuse, c’est très bien. Si c’est une chanson d’amour brisé, super, vous pouvez aussi». Et «il n’y a pas de mauvaise manière de la jouer», explique-t-il, en rappelant une reprise du virtuose de l’ukulele, l’Américain Jake Shimabukuro. Mais quand Alan Light a interviewé Bono pour faire son livre, le chanteur d’U2 avait quand même voulu «s’excuser» pour une version trip-hop de 1995, dans laquelle il parle plus qu’il chante, raconte-t-il en souriant.