Le projet de fusion de l’audiovisuel public prend du retard

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Le projet de fusion de l’audiovisuel public porté tambour battant par Rachida Dati prend du retard: son examen à l’Assemblée nationale a été repoussé jeudi, alors que tout le secteur est en grève pour s’y opposer. Les députés devaient débattre de cette réforme éclair en première lecture jeudi et vendredi. Mais face à l’encombrement de l’ordre du jour, le gouvernement a pris la décision à la mi-journée de le reporter. Le texte pourrait n’être examiné qu’en juin. Et ce, alors que le calendrier voulu par la ministre de la Culture était déjà très contraint, avec une fusion de l’audiovisuel public programmée dès le 1er janvier 2026. Des réseaux régionaux de France 3 ou France Bleu aux sièges parisiens, tout le secteur est appelé à la grève jeudi et vendredi. Jeudi, les antennes de Radio France étaient perturbées et les émissions habituelles ont été remplacées par de la musique. Côté télévision, la chaîne Franceinfo a rediffusé des programmes. Pour assurer la retransmission du débat jeudi soir sur France 2 entre le Premier ministre Gabriel Attal et le président du RN Jordan Bardella, la direction a prévu de recourir à des prestataires externes, d’après les syndicats. Voulant «rassembler les forces», la ministre de la Culture prévoit une phase transitoire avec une holding commune pour l’audiovisuel public au 1er janvier 2025, puis la fusion un an après. Quelque 16.000 salariés sont concernés. Outre France Télévisions et Radio France, le mastodonte de l’audiovisuel rassemblerait également l’Ina (Institut national de l’audiovisuel) et France Médias Monde (RFI, France 24). L’intégration de ce dernier groupe fait cependant débat jusque dans le camp présidentiel. Au sein de ces 4 sociétés publiques, les craintes sont vives pour les moyens et les emplois. «C’est notre survie qui se joue», ont affirmé les syndicats de Radio France lors d’une assemblée générale mercredi, en appelant à envoyer «un message radical» par la grève. Les inquiétudes sont particulièrement importantes à la Maison Ronde à l’idée que la radio puisse être phagocytée par la télé. Dans une tribune au «Monde» publiée mercredi, plus de 1.100 salariés de Radio France, dont les présentateurs Léa Salamé, Nicolas Demorand, Guillaume Erner et Nagui, ont dit leur rejet d’un projet «démagogique, inefficace et dangereux». «Pourquoi engager (le secteur) dans une fusion qui s’annonce longue, complexe, anxiogène pour les salariés et sans réel objectif éditorial?», demandent aussi les syndicats de France Télévisions. Aux personnels, Rachida Dati a assuré dimanche: «Je veux vous garantir non seulement une pérennité mais (aussi) votre force» dans un univers de «concurrence exacerbée», entre plateformes et réseaux sociaux. «Le moment politique est venu», selon la ministre, après une tentative de rapprochement par son prédécesseur Franck Riester stoppée par le Covid-19. «Evidemment, on ne va uniformiser ni les métiers, ni les activités», a-t-elle aussi martelé mercredi devant le Sénat. La société géante, dénommée «France Médias», aurait un budget de quatre milliards d’euros. Pour accélérer, la ministre issue de LR s’est appuyée sur une proposition de loi du sénateur Laurent Lafon (Union centriste) programmant une holding, déjà adoptée en juin 2023 par la chambre haute. «Nous ne sommes pas opposés à la fusion» mais «on peut s’interroger sur le calendrier», avait souligné M. Lafon avant l’annonce du report. Le sort de France Médias Monde ne paraît pas tranché. Le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a affirmé que le gouvernement était finalement pour son exclusion de l’entreprise unique. Mais les discussions pourraient être serrées avec la droite, qui est à l’inverse attachée à son inclusion. Les élus RN – favorables à une privatisation pure et simple de l’audiovisuel public – soutiennent le projet de fusion.