Les radios musicales à la peine mais toujours incontournables

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Frappées de plein fouet par la baisse des audiences radio, les stations musicales restent incontournables pour la filière mais doivent se réinventer face à la concurrence des plateformes de streaming. Délaissées par les plus jeunes au profit de YouTube, remplacées dans la voiture par Spotify ou Deezer à la faveur du bluetooth… Les radios musicales ont perdu 1,2 million d’adeptes entre fin 2021 et fin 2022, rassemblant au total 17,3 millions d’auditeurs quotidiens, selon Médiamétrie. L’ancienne 1ère radio de France, NRJ, a ainsi égaré plus de 300.000 auditeurs sur la période, tout comme Fun Radio, et Skyrock 260.000. RTL 2, elle, parvient à garder ses 2,2 millions de fans de pop-rock, profitant de son «positionnement clair», explique son DG Tristan Jurgensen. Dans le détail, la baisse d’audiences «est assez contrastée entre les radios dites jeunes et celles visant plutôt les adultes ou jeunes adultes», souligne Stéphane Bosc, le DG des radios musicales de Lagardère.Pour lui, s’adresser aux «13-24 ans équivaut à pêcher dans un lac vide de poissons», d’où le repositionnement d’Europe 2 (ex-Virgin Radio) vers les 25-49 ans. Mais le «streaming» n’attire pas que la génération Z et sa formule payante sur abonnement se propage chez les plus de 35 ans, selon un récent rapport du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep). Selon la même source, les plateformes audio et vidéo, avec leurs playlists et algorithmes de recommandations, ont même détrôné pour la 1ère fois la radio comme 1ère source de découvertes musicales, représentant 48% des réponses citées par le public sondé, contre 47% pour la radio. Le monde de la radio préfère sans surprise mettre en avant les chiffres d’une étude Médiamétrie, datée de 2022, selon laquelle le média préféré des Français reste numéro un en matière de prescription pour 60% des sondés, loin devant le streaming musical (20%) et les plateformes vidéo comme YouTube (28%). «Une plateforme c’est froid, une radio c’est chaud», fait valoir Stéphane Bosc, comparant les plateformes à des «jukebox». Comme lui, la dirigeante de NRJ Group, Maryam Salehi, fait valoir la plus-value «humaine» d’un «média de proximité» tandis que les algorithmes «enferment leur public dans une zone déjà connue voire lassante». «Nous on apporte un peu de surprise, on tient compte de la météo, de l’humeur», abonde le directeur d’antenne de RTL 2, Guillaume Piau. Dans tous les cas, la radio reste «un partenaire extrêmement précieux pour les maisons du disque» et «complémentaire» du streaming, explique le DG du Snep Alexandre Lasch. «Pour moi, l’un et l’autre sont indispensables», abonde Vincent Frèrebeau, le fondateur du label indépendant Tôt ou Tard. Et de citer en exemple le succès de la chanson «Et bam» de Mentissa, porté par un «phénomène d’entraînement positif. Plus on monte en radio, plus on monte en stream», résume-t-il. «On a tout intérêt à travailler ensemble», confirme Aurélien Hérault, directeur de l’innovation de Deezer. Mais le match ne se joue pas à armes égales. A la différence des plateformes, les radios sont soumises à des quotas de chansons francophones, rappelle Maryam Salehi, appelant à «desserrer l’étau de la régulation». «Les quotas sont un mauvais combat», réplique Alexandre Lasch alors que deux Français, Orelsan et Jul, dominent les ventes dans l’Hexagone. «Il est essentiel que la radio continue à creuser le sillon de la prescription, c’est cela qui va motiver l’intérêt du public», estime-t-il. «Il faut qu’elle joue à fond la carte de la nouveauté», renchérit Vincent Frèrebeau. Média centenaire, la radio sait s’adapter et «ne reste pas inerte», insiste de son côté Hervé Godechot, membre de l’Arcom. En témoignent selon lui le déploiement de la radio numérique terrestre DAB+ ou l’alliance des radios publiques et privées au sein de l’application Radioplayer pour contrer les géants du net.