Les salariés de Nokia défilent en force à Paris contre la suppression de 1.233 emplois en France

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«Dégoûtés», un millier de salariés de Nokia – 950 de source policière – dont une bonne partie de Lannion, dans les Côtes d’Armor, ont défilé mercredi à Paris au son des binious contre la suppression de 1.233 emplois en France. Les visages sont graves derrière la banderole de tête «Le Trégor debout contre les suppressions d’emploi». Un TGV plein à craquer a convoyé à 06h50 plus de 400 salariés du centre de recherche de Lannion, où la moitié de l’effectif, soit 402 emplois, doit être supprimé. Dans le cortège, les banderoles CFDT, CGT et CFE-CGC voisinent avec les pancartes. «Embauché en mars, débauché en juin», proclame l’une d’elle. Nicolas Savard, 38 ans, a été embauché en mars en CDI par Nokia à Lannion. «J’étais encore en période d’essai quand la nouvelle est tombée», dit-il. Il avait quitté une entreprise de services informatiques où il travaillait depuis 12 ans pour rejoindre Nokia.Cannois, il s’était installé à Lannion au vu des perspectives dans les télécoms. «C’est une trahison, je suis dégoûté», lance-t-il. «Il n’y a aucune justification industrielle. Nokia délocalise des produits qui marchaient très bien». Pour Jean-François Schmitt, de la CFE-CGC, «il est clair que Nokia avait ce projet depuis son rachat d’Alcatel Lucent il y a quatre ans. Ils ont racheté les brevets, qu’ils ont très bien su faire fructifier, et ont gagné avec Alcatel Lucent une implantation précieuse aux Etats-Unis. Ils n’avaient pas besoin des salariés français d’Alcatel». Amer, il craint la fermeture à terme du centre de recherche de Lannion et une activité réduite aux fonctions de support des clients français: «pas très réjouissant», dit-il. François Veillon, délégué CFDT de Lannion, évoque un «gâchis», citant en vrac des bâtiments «flambant neufs» à Lannion, des aides de l’État, de la région et des communes, le choix de Nokia pour le réseau haut débit de la région Bretagne … «280 millions de subventions encaissées, 1.233 emplois supprimés», proclame une autre banderole, allusion au crédit impôt recherche touché en quatre ans par l’équipementier finlandais. «Nokia se moque du monde», résume le député LREM des Côtes d’Armor Éric Bothorel. «Ils ont annoncé leur plan à la limite exacte de l’engagement qu’ils avaient pris il y a quatre ans de ne pas licencier et même d’embaucher dans la recherche, qui expirait en juin», dit-il. A l’arrivée de la manifestation aux Invalides, plusieurs personnalités politiques ont apporté leur soutien, dont Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, et Eric Coquerel, député LFI. «Je me souviens de Serge Tchuruk (PDG d’Alcatel pendant 13 ans) qui a inventé l’industrie sans usine, Nokia croit que la recherche peut se développer sans chercheurs», a ironisé ce dernier. «Ce sont des margoulins, ils ne respectent pas leurs engagements», a tonné Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, syndicat numéro un chez Nokia. «Ce n’est pas acceptable aujourd’hui alors qu’on parle de relocalisation après la crise sanitaire de voir des délocalisations. On ne laissera pas faire (…) je demande que l’Etat français demande à Nokia de rendre l’argent public dont il bénéficie encore». «Nokia a réussi le grand chelem: il doit fournir la 5G aux quatre opérateurs français, il y a là un moyen de pression à travers les clients comme Orange, SFR etc.», estime M. Veillon. Dominique Paul, venu avec de nombreux salariés de Nokia-Villarceaux à Nozay (Essonne), où 831 postes sont supprimés, parle d’un plan «incompréhensible, alors que la 5G n’est pas encore mature». Il dénonce les relocalisations en Roumanie, Pologne, Inde et aux États-Unis, où le président Donald «Trump a bien aidé Nokia en barrant la route à Huawei pour la 5G». «Mon équipe entière sera supprimée et j’ai vu qu’ils ont ouvert à Helsinki les postes correspondants» dit-il, écoeuré.