«Les Volets Verts» : Depardieu retrouve Fanny Ardant dans cette adaptation du roman de Simenon

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Toute ressemblance avec un personnage existant ne serait pas fortuite: dans «Les Volets verts», roman de Simenon pour la première fois porté à l’écran, Gérard Depardieu campe un monstre sacré du théâtre et cinéma dévoré par ses excès et ses fêlures.

Six mois après avoir joué le commissaire Maigret devant la caméra de Patrice Leconte, l’acteur incarne un nouveau personnage de Georges Simenon, cette fois dans un roman non policier: celui d’Émile Maugin, rebaptisé Jules dans ce film réalisé par Jean Becker, sur les écrans mercredi.

Maurice Pialat avait convaincu Gérard Depardieu d’incarner ce personnage de fiction, mais le cinéaste n’a pas eu le temps de mener ce projet à bien avant sa disparition, en 2003.

L’adaptation et les dialogues ont été confiés à Jean-Loup Dabadie, scénariste de films cultes des années 1960 et 70, dont les grands films de Claude Sautet ou des comédies comme «Un éléphant ça trompe énormément», décédé en mai 2020 et dont il s’agit là de la dernière oeuvre. «J’ai relu le roman qui décrivait un acteur tyrannique et antipathique», confie Jean Becker.

«Le portrait qu’en a fait Dabadie est plus humain, mais avec une existence tout aussi survoltée à la scène comme à la ville». Avec plus de cinquante ans de cinéma et une quinzaine de films à son actif, dont «L’été meurtrier» ou «Les Enfants du marais», le cinéaste aujourd’hui âgé de 89 ans organise dans ces «Volets verts», à la demande de Gérard Depardieu, ses retrouvailles à l’écran avec Fanny Ardant. Le duo a été à l’affiche d’une dizaine de films dont le culte «La Femme d’à côté» (1981) de François Truffaut. En dressant le portrait d’un monument du théâtre et du cinéma du début des années 1970 à la fois excessif, généreux mais terriblement mélancolique, le film et l’oeuvre de Simenon, qui a pourtant été achevée il y a plus de 70 ans, en 1950, entretiennent de troublantes ressemblances avec la personnalité de Gérard Depardieu.

A l’époque, «dans la préface (du roman), Simenon se défend d’avoir voulu faire le portrait d’une célébrité de l’époque. C’est simplement l’idée qu’il se faisait de la fin de la vie d’un grand acteur», ont souligné les producteurs, Michèle et Laurent Pétin, auxquels Depardieu a soufflé l’idée du film après le décès de Maurice Pialat.

«Difficile de ne pas penser faire une analogie entre Depardieu et le personnage de Simenon», confirme Jean Becker. «A la fin de la projection de travail, Gérard est resté prostré dix minutes», raconte-t-il. «Gérard est un merveilleux acteur, l’un des plus grands de ce siècle. On ne dirige pas les acteurs. Je n’aime pas cette idée.

La force des bons acteurs est de faire un transfert total entre eux-mêmes et le personnage. Il faut au contraire leur laisser la bride sur le cou pour qu’ils puissent s’exprimer», ajoute le cinéaste. Pas de retraite programmée pour Jean Becker qui travaille déjà sur un prochain film, un huis clos sur l’univers des marins: «à 89 ans, j’ai la chance de pouvoir encore exercer ma passion. Je continue», promet-il. Une passion qu’il explique avoir hérité de son père, Jacques Becker (1906-1960), réalisateur de «Casque d’or» et «Touchez pas au grisbi» : «J’espère ne pas avoir été un trop mauvais élève…».