L’IA appelée à la rescousse pour sécuriser les transports

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Quelques algorithmes pour traiter les images d’une caméra de surveillance et c’est la caméra elle-même qui tirera la sonnette d’alarme si un bagage est abandonné: l’intelligence artificielle est appelée à la rescousse pour rendre les transports plus sûrs, tout en préservant, dit-on, la vie privée. Différentes expériences ont été menées ces dernières années, avec plus ou moins de bonheur. Un test a particulièrement fait parler de lui au printemps 2020 quand la RATP a entrepris de compter les voyageurs masqués à la station Châtelet, à Paris.Mais la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a vite mis fin à l’expérience en l’absence de garanties au regard du règlement européen sur la protection des données (RGPD). Le gouvernement a depuis autorisé de telles expériences. «On veut aller un cran plus loin», a récemment dit à des journalistes le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari, fixant un objectif pour le prochain mandat. «On pense que pour la suite, notamment dans les gares et les aéroports, le fait d’utiliser l’intelligence artificielle pour détecter des comportements anormaux (…) nous paraît vraiment être porteur d’avenir», a-t-il ajouté, citant «un terroriste qui se balade» ou plus simplement les bagages abandonnés. Si les caméras ne manquent pas – il y en a 15.000 rien que dans les gares, selon le ministère -, il faut pour l’instant des agents pour surveiller les écrans. Les rendre intelligentes les ferait prévenir les agents s’il se passe quelque chose d’anormal. «Ce type de dispositif, que nous préférons appeler de la vidéosurveillance automatisée, se développe de manière opaque, assez discrètement», dénonce une porte-parole de l’association La quadrature du net, en pointe contre la surveillance numérique. De fait, les entreprises impliquées sont peu loquaces. La Cnil, elle, s’apprête à faire évoluer sa doctrine, afin d’accompagner le développement des caméras intelligentes «dans le respect des droits des personnes». «Dans la mesure où les dispositifs de vidéo «augmentée» captent et analysent des données, en particulier des images des personnes, leur utilisation et les traitements de données qu’ils impliquent doivent respecter l’ensemble de la réglementation applicable en matière de données personnelles», souligne-t-elle. «Aujourd’hui c’est hypersécurisé», a rassuré Jean-Baptiste Djebbari. «On ne garde rien, il n’y a rien qui remonte dans les serveurs». Le groupe public SNCF s’est engagé dans un projet européen baptisé Prevent, initié en 2018 par Bruxelles pour identifier de nouvelles technologies visant à lutter contre les menaces terroristes. A l’issue de ce projet, «les objets délaissés ont été choisis comme axe de recherche prioritaire, car ils représentent une réelle menace et un défi majeur en matière de sécurité», explique la direction. En outre, les bagages abandonnés représentent la 1ère cause de retard des TGV et Intercités. Un nouveau programme subventionné à 90% par l’UE veut maintenant développer des solutions technologiques pour les identifier automatiquement. Dans les faits, les caméras nourries aux algorithmes doivent associer les bagages à leur propriétaire. Si celui-ci s’en éloigne trop longtemps, un «processus de suivi» est lancé afin de reconstituer son itinéraire pour le retrouver et «apporter une réponse adaptée à la menace potentielle». Le but du jeu est donc de pouvoir identifier certains voyageurs tout en garantissant leur anonymat.Un cahier des charges est en cours de rédaction, un appel d’offres devant être lancé en juin, indique Arnaud Raudin, responsable du projet à la SNCF, pour qui «l’objectif est d’avoir au moins deux solutions qui fonctionnent». Un prototype doit être mis à l’essai Gare du Nord, à Paris, à l’automne 2023 pour la Coupe du monde de rugby, avant une généralisation espérée pour les Jeux olympiques de 2024.