Maîtrise du cloud : Google veut amadouer le gouvernement français

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La décision de Google de s’associer au groupe technologique Thales pour proposer ses services de «cloud» (informatique dématérialisée) illustre les efforts des géants américains pour amadouer les entreprises et le gouvernement français sur la question sensible de la maîtrise des données. Thales et Google Cloud ont annoncé mercredi la création d’une société commune qui exploitera les outils logiciels «cloud» de Google pour la clientèle française dans ses propres centres de données situés dans l’Hexagone et distincts de ceux du groupe américain. L’entreprise française sera majoritaire dans cette nouvelle entité, qui se trouvera sous juridiction française et échappera aux tentaculaires législations extraterritoriales mises en place par les États-Unis. 

L’annonce est semblable à celle faite avant l’été par Microsoft, Orange et Capgemini. Les 2 groupes français sont en train de créer une société commune, Bleu, qui exploitera les outils «cloud» de leur partenaire américain – la suite bureautique Office 365 et Azure, socle de base utilisable pour de nombreuses applications logicielles – dans des centres de données basés en France. Ces accords entre géants américains et opérateurs français se font avec la bénédiction du gouvernement. Celui-ci y voit un moyen de permettre aux entreprises françaises d’accéder aux technologies «cloud» américaines, plébiscitées partout dans le monde, tout en conservant la maitrise des données traitées. L’accord «Thales-Google pourra permettre aux entreprises et aux administrations françaises d’accéder à des technologies cloud «hyperscale» (celles de Google, Microsoft ou Amazon par exemple, NDLR) à l’état de l’art dans un environnement de confiance», a salué Bercy. «Ce partenariat montre que la France, comme d’autres pays européens, est en mesure d’imposer des conditions strictes aux géants du numérique», a fait valoir le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Par leurs initiatives, Thales-Google et Orange-Capgemini-Microsoft visent en particulier la clientèle de l’État, qui, comme les entreprises, veut faire basculer une bonne partie de son infrastructure informatique dans le cloud. Le Premier ministre Jean Castex a fixé cet été la doctrine en la matière: mettre le «cloud au centre» des projets numériques de l’État, mais en se reposant uniquement, pour les données sensibles – par exemple les données personnelles des citoyens -, sur des opérateurs dépendant de juridictions européennes. La Direction informatique interministérielle (Dinum) a par exemple rappelé récemment aux différents services de l’État qu’utiliser Office 365, via les serveurs cloud de Microsoft, n’était pas conforme à cette doctrine. L’annonce de Thales et Google n’est toutefois pas du goût de nombreux acteurs numériques français. «La captation massive des marchés publics et privés» du «cloud» par des opérateurs reposant sur la technologie logicielle américaine «obèrerait toute chance de succès d’une filière numérique française», a déclaré Luc d’Urso, DG d’Atempo/Wooxo, un spécialiste de la sécurisation des données. «La souveraineté n’est pas une opportunité commerciale à saisir en fonction de la météo», a fustigé de son côté David Chassan, le directeur de la stratégie d’Outscale, l’un des acteurs français du «cloud». Pour désamorcer ces critiques, le gouvernement a confirmé qu’il ne renonçait pas à faire apparaître des acteurs européens dans le secteur, capables de fonctionner sans les outils des Google, Microsoft ou Amazon. «Notre objectif est de faire émerger des champions européens du «cloud», et nous annoncerons une stratégie ambitieuse sur ce sujet dans les prochaines semaines», a déclaré le secrétaire d’État au numérique Cédric O.