Mort à 79 ans, Bertrand Tavernier laisse la marque d’un cinéaste humaniste

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Réalisateur phare et «encyclopédie du 7e art»: mort à 79 ans, Bertrand Tavernier laisse la marque d’un cinéaste humaniste, érudit et engagé, admiré au-delà des frontières et apprécié d’un large public. Auteur de films comme «Coup de Torchon» et «L.627», il est décédé jeudi, a annoncé l’Institut Lumière de Lyon, l’une des mémoires du cinéma en France, qu’il présidait. «Avec son épouse Sarah, ses enfants Nils et Tiffany et ses petits-enfants, l’Institut Lumière et (son directeur) Thierry Frémaux ont la tristesse et la douleur de vous faire part de la disparition, ce jour, de Bertrand Tavernier», a ajouté l’institution. Personnalité du cinéma français, artiste engagé à l’oeuvre éclectique et reconnue à l’étranger, celui qui arborait une chevelure ivoire et des lunettes, a réalisé des films d’époque et contemporains, avec une prédilection pour les sujets brûlants.En plus d’un demi-siècle de carrière, ses films ont été largement récompensés : prix 1974 Louis-Delluc pour «L’horloger de Saint-Paul», nomination aux Oscars 1983 pour «Coup de torchon», prix de la mise en scène à Cannes en 1984 pour «Un dimanche à la campagne», BAFTA 1990 du meilleur film étranger pour «La vie et rien d’autre», Ours d’Or 1995 à Berlin pour «L’appât», Lion d’Or à Venise pour l’ensemble de sa carrière (2015). Sa disparition touche des générations de cinéphiles : il rejoint des grands noms du cinéma français disparus ces dernières années, comme les acteurs Jean Rochefort et Philippe Noiret, qu’il enrôlait en 1974 dans l’»Horloger de Saint-Paul» puis, en costumes d’époque dans «Que la fête commence». Mais Tavernier avait aussi su renouveler son public, recyclant Thierry Lhermitte en diplomate dans «Quai d’Orsay» (2012) ou plongeant dans la moiteur de la Louisiane pour un thriller 100% américain, avec Tommy Lee Jones, «Dans la Brume électrique» (2009). Le géant de la vidéo en ligne Netflix avait ajouté récemment une partie de ses films à son catalogue. Tavernier, également scénariste et producteur, fut aussi un grand cinéphile investi dans la préservation et la transmission des films, qui avait signé, en 2016, un «Voyage à travers le cinéma français» pour évoquer les plus grands réalisateurs. Mû par le souci de défendre le cinéma français indépendant, il était aussi passionné par le cinéma américain du XXe siècle. Un amour qu’il a continué de partager jusqu’au bout, notamment sur le blog qu’il tenait sur le site de la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD, https://www.tavernier.blog.sacd.fr). Fin janvier, il y conseillait encore une série de DVD de films américains, échangeant avec passion avec des internautes sur la «cancel culture» et le «politiquement correct». «Bertrand Tavernier est parti. Le cinéma français le pleure. Le cinéaste, le cinéphile, la mémoire, tout concourait à l’exercice d’un art auquel il a dédié sa vie», a salué l’ancien président du festival de Cannes Gilles Jacob, sur les réseaux sociaux. «Il ne nous racontera plus ses histoires avec cette percutante force de conviction qui en faisait un auteur si précieux». «La disparition de Bertrand Tavernier est tellement triste, tellement dramatique !», a lancé le patron du distributeur Le Pacte, Jean Labadie, qui l’a accompagné sur plusieurs de ses films. «Bertrand Tavernier était, à l’égal d’un Martin Scorsese, une véritable encyclopédie du 7ème art qu’il a servi avec passion et talent», a ajouté le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel Roch-Olivier Maistre. Des personnalités de Lyon, une ville où il était né le 25 avril 1941, fils d’un écrivain et résistant, où se trouve l’Institut Lumière et qui lui tenait à coeur, lui ont également rendu hommage, comme l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb.