Netflix : «The Club», la première série qui s’ouvre sur la communauté juive de turquie 

Mathilda, fraîchement libérée de prison, arpente la rue principale au coeur du vieil Istanbul. Autour d’elle, les enfants jouent en ladino, le judéo-espagnol des Juifs de Turquie. La série turque de Neflix «The Club», dont les deux premières saisons ont été diffusées ces derniers mois, s’ouvre sur ces images de l’Istanbul cosmopolite des années 1950 et d’un quartier de Galata alors majoritairement peuplé de Juifs. C’est d’ailleurs là qu’Isaac Herzog, premier chef d’Etat israélien à effectuer une visite en Turquie depuis 2007, s’est rendu récemment pour rencontrer la communauté dans la principale synagogue du pays. The Club est la première série turque centrée sur la communauté juive de Turquie et surtout, à retracer les persécutions qui ont poussé les Juifs à quitter progressivement le pays. De 200.000 au début du 20ème siècle, ils sont moins de 15.000 aujourd’hui. Tournée en partie en ladino, la série brise aussi la règle du «kayades» (le silence, en ladino) que les Juifs de Turquie ont adopté pendant des années et qui consiste à se rendre «invisible» dans la société pour se protéger. Les tensions récurrentes entre Ankara et Tel Aviv, accompagnées d’une montée de l’antisémitisme, ainsi que les attentats meurtriers contre les synagogues d’Istanbul – le dernier, en 2003, avait fait 30 morts – ont contribué à renforcer ce repli. 

Briser le silence : «La série couronne les efforts menés depuis quelques années pour en finir avec cette invisibilité, explique Nesi Altaras, éditeur d’Avlaremoz» qui rappelle le lancement de son magazine en ligne dédié à la culture juive il y a six ans. Avlaremoz signifie «Parlons» en judéo-espagnol, le contraite du «kayades», insiste-t-il. «Le silence ne nous a ni protégés de l’antisémitisme, ni n’a empêché l’émigration vers d’autres pays. Il faut parler, y compris des questions politiques que les générations précédentes voulaient taire». Au fil des épisodes, la série témoigne aussi que l’art de la dissimulation ne protège personne. Fille d’une grande famille juive ruinée, patron grec contraint de dissimuler son identité pour garder son cabaret, ou chanteur turc de cacher son homosexualité, tous les personnages de The Club vont souffrir de discriminations qui alimentent la haine. La série est la première à présenter deux pages sombres de l’histoire turque contemporaine envers les minorités arménienne, grecque et juive : une taxe discriminatoire qui leur fut imposée en 1942, puis les pogroms de septembre 1955 qui poussèrent nombre de leurs représentants à quitter le pays. Les scènes des pogroms qui montrent la foule saccageant les commerces des minorités chrétienne et juive et lynchant leurs propriétaires ont suscité un vaste débat dans les médias et sur les réseaux sociaux en Turquie, sur la nécessité de faire face à cette histoire. «Aucune autre production n’avait traité l’ensemble des actes antisémites de cette période de manière aussi marquante», estime Silvyo Ovadya, président de la fondation du Musée juif de Turquie.