Pour les télétravailleurs, des ateliers de «digital détox» visant à aider les salariés à mieux vivre avec le numérique

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«Bonne nouvelle, tu n’es pas addict!»: dans un monde ultra-connecté, où le télétravail a explosé avec le Covid-19, des ateliers de «digital détox» visent à aider les salariés à mieux vivre avec le numérique. Lors d’une séance organisée pour une demi-douzaine de syndicalistes CFDT, le formateur, Thierry Le Fur, explique d’emblée l’origine de la démarche: cet ex-directeur marketing raconte en souriant avoir été dans le passé «un peu un dealer de numérique». Après une période où il a été alcoolo-dépendant, il a décidé de se lancer dans la prévention, et a obtenu un diplôme en santé mentale de «prise en charge des addictions», se plongeant dans le sujet encore peu exploré du «stress numérique». «Peut-être que je peux aider à prévenir ce que j’ai pu connaitre», dit-il, en soulignant les liens entre «les différentes conduites chroniques et addictives». Il a calculé qu’un cadre toujours connecté pourrait l’être 250.000 heures dans sa vie, rappelant les études récentes qui font état d’une explosion des cas de burn-out depuis un an. Les participants, qui travaillent chez Thales, à la SNCF ou encore chez EDF, ont été invités en amont à faire «un test d’hyper connexion». Au vu de ses réponses, Sophie, qui travaille chez Thales, n’est «pas addict», constate le formateur, tout en la prévenant que se laisser interrompre de façon permanente par des messages risque de rompre le fil de sa pensée, alors que «la mémoire de travail est de 20 à 30 secondes». «Je pense que je suis un peu plus addict», constate Sandrine, également chez Thales. Sa collègue Sophie lui fait remarquer que c’est peut-être parce qu’elle est plus jeune, alors qu’elle-même a connu «le Minitel et le téléphone avec un fil…». Frédéric, qui travaille chez EDF, rapporte pour sa part avoir vu son comportement «totalement changer» depuis la pandémie lors des réunions, faisant désormais «quasiment systématiquement deux choses à la fois», ce qui est «fatiguant». Quant à Thierry, chargé de mission à la CFDT Cadres, qui «travaille actuellement sur la conception d’une formation «négocier des accords télétravail»» pour la centrale, il se présente comme «un hyperactif de la connexion», constatant qu’«on se laisse facilement déborder» faute de «petites alertes». Entre données scientifiques – comme la baisse de QI en cas de nuit sans sommeil ou de multitâches -, conseils divers comme la réalisation de «cartons motivationnels» pour stopper une envie de consommation excessive, ou encore illustrations concrètes de la toxicité potentielle du numérique à l’aide d’une sorte de balance, Thierry Le Fur organise des «micro-coupures» pour trouver d’autres stimulations que celles du numérique. Il invite les participants à boire un verre d’eau, manger du chocolat, se lever et redresser son menton avec son pouce en ayant des pensées positives… Il explique que l’objectif est de «prendre conscience et de libérer la parole», estimant que sur ces sujets, «on sent qu’il y a une bascule», alors que le mot addiction était jusqu’à récemment «banni».Après ce premier atelier, Benoit, salarié à la SNCF, espère mieux appréhender les problématiques d’addiction et «être force de proposition» avec un regard «plus scientifique et structuré», notamment pour «mieux poser» ou retravailler des accords de télétravail. «Même des salariés qui trouvent très bien le télétravail ne sont peut être pas au courant de toutes les conséquences que ça peut créer», souligne Sandrine. Thierry, lui, juge crucial de «sensibiliser» les militants sur ces sujets sur lesquels «parfois on est dans le déni». «Quand on se les prend en pleine figure, parfois c’est trop tard», relève-t-il.