Rabais fiscaux: la victoire d’Apple en justice contre l’Union européenne remise en cause

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Apple a subi jeudi un revers avec l’avis d’un magistrat de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui pourrait la contraindre à payer 13 milliards d’euros d’arriérés fiscaux à l’Irlande, conformément à une décision de Bruxelles. Dans un avis non contraignant mais généralement suivi par les juges, l’avocat général de la CJUE a recommandé que soit rejugé ce litige qui oppose depuis sept ans le fabricant de l’IPhone à la Commission européenne, remettant en cause la victoire obtenue par le géant américain en 1ère instance. La cour basée à Luxembourg devra dire dans les prochains mois si elle suit ou non cet avis. L’affaire remonte à 2016 quand Bruxelles avait ordonné au géant américain de rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande, y voyant un rabais fiscal assimilable à une aide d’Etat illégale. La somme correspond aux bénéfices tirés d’un traitement fiscal favorable entre 2003 et 2014 dans ce pays où Apple avait rapatrié l’ensemble de ses revenus engrangés en Europe (ainsi qu’en Afrique, au Moyen-Orient et en Inde). Le Tribunal de l’UE avait annulé cette décision de la Commission européenne en 2020 mais celle-ci avait ensuite formé un pourvoi auprès de la CJUE. «Dans ses conclusions, l’avocat général Giovanni Pitruzzella propose à la Cour d’annuler l’arrêt et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que celui-ci se prononce à nouveau sur le fond», a annoncé la CJUE dans un communiqué publié jeudi. Selon l’avocat général, «le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit» et il est «nécessaire» qu’il «effectue une nouvelle appréciation». Lors d’une audition devant la cour en mai, l’avocat de l’exécutif européen, Paul-John Loewenthal, avait justement plaidé une «violation de la procédure» et «de nombreuses autres erreurs juridiques» par le Tribunal de l’UE. Il avait estimé que la filiale irlandaise d’Apple avait réglé un taux d’imposition effectif sur ses bénéfices européens «allant de 1% en 2003 à 0,005% en 2014». Me Loewenthal avait cité la direction d’Apple qui avait qualifié elle-même devant le Sénat américain les avantages fiscaux accordés par Dublin d’»incitations à l’investissement équivalant à des aides d’État». L’avocat d’Apple, Daniel Beard, avait martelé qu’Apple n’avait obtenu «aucun traitement de faveur» en Irlande et qu’il n’y avait «pas eu d’aide d’Etat». Le groupe de Cupertino (Californie) a payé en Irlande les impôts dus sur ses bénéfices générés en Irlande, conformément aux règles fiscales du pays, avait-il affirmé. La CJUE est la cour de dernière instance. Elle ne se prononce pas sur le fond mais seulement sur les questions de droit. Elle pourra décider de confirmer ou bien d’annuler en tout ou partie la décision de première instance, ou encore décider de renvoyer l’affaire devant le Tribunal de l’UE comme l’a recommandé l’avocat général. Apple n’a pas commenté cet avis mais a rappelé jeudi le jugement de 1ère instance qui lui était favorable. «La décision du Tribunal était très claire: Apple n’a bénéficié d’aucun avantage sélectif ni d’aucune aide d’Etat, et nous pensons que cette décision doit être confirmée», a affirmé le groupe dans un communiqué. «La position de l’Irlande a toujours été, et reste, que le montant correct de l’impôt irlandais a été payé et que l’Irlande n’a fourni aucune aide d’État à Apple. Nous attendons maintenant l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne sur cette question», a réagi le ministre irlandais des Finances Michael McGrath. La Commission européenne a rappelé de son côté qu’elle ne commentait pas les affaires judiciaires en cours. Bruxelles bataille face à des multinationales dans plusieurs dossiers fiscaux du même type. L’UE a notamment subi des revers devant la justice européenne face à Fiat (groupe Stellantis), Amazon et Starbucks, dans des litiges au Luxembourg et aux Pays-Bas.