Réalité virtuelle: le Macbeth de Verdi transposé dans le monde actuel

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Uniformes paramilitaires, kalachnikov, réalité virtuelle… A l’Opéra de Dijon, Nicola Raab transpose le Macbeth de Verdi dans le monde actuel, où la soif de pouvoir s’étanche de la folie meurtrière. «Shakespeare a écrit des choses d’une telle actualité: la trajectoire d’un pays où le vide du pouvoir crée un moment dangereux», explique la metteuse en scène de cet opéra, composé par Verdi au XIXe siècle à partir de la tragédie de Shakespeare. Baskets blanches, capuches et casquettes blanches, visages grimés de blanc, le tout flashé par une lumière crue : les sorcières de Macbeth prennent ainsi des allures modernes en prédisant au général Macbeth (Stephen Gaertner) qu’il sera roi d’Écosse, à la place de Duncan. Dans ce blanc immaculé, Macbeth apparaît en tenue noire de commando. Il hésite au régicide, mais son épouse, la très ambitieuse Lady Macbeth, lui ordonne: «Monte sur le trône». Coûte que coûte. Il faudra donc tuer pour faire place. Le roi Duncan est poignardé dans son lit et Macbeth proclamé. Un engrenage s’enclenche. Après Duncan, il faut tuer encore et encore, dans une spirale meurtrière sans fin. «Un nouveau meurtre, il le faut», jure Lady Macbeth (Alexandra Zabala). Pour rester au pouvoir, la soif est insatiable. «Ô volupté du pouvoir, tu combles tous les désirs humains», dit Lady Macbeth. «De tous nos ennemis, faisons couler le sang», acquiesce son époux. Le sang appelle le sang et le royaume devient une «terre de brigands où seul le crime a droit de cité». «Malheureuse patrie, tu n’es plus qu’un tombeau (…) Sans relâche, le glas funèbre sonne», chante le peuple opprimé. Mais le remords finit par ronger les assassins: le spectre de ses victimes apparaît à Macbeth, éclaboussé par «le sang encore chaud», et Lady Macbeth se meurtrit: «parviendrai-je jamais à nettoyer mes mains» pleines de sang. Elle finit par avouer ses crimes et mourir. Le peuple se révolte. Mais, dans la mise en scène de Nicola Raab, le combat à l’épée du livret de 1865 entre Macbeth et Macduff, le chef de la rébellion, se transforme en une sorte de jeu vidéo. Macbeth y est la cible, parmi des images virtuelles défilant sur scène dans un saisissant effet dramatique où s’affiche en fin de combat «Target found» (cible verrouillée). 

Macbeth s’écroule. Le décor pourrait ainsi se situer dans «la banlieue de Los Angeles, très moderne, avec une guerre des gangs, des réfugiés, des armes», souligne Nicola Raab, qui dit avoir «situé la mise en scène dans une certaine contemporanéité». Mais «ce n’est pas juste une mise en scène moderne: on peut être contemporain sans empêcher le fantastique», explique Nicola Raab qui dit avoir voulu préserver «le surnaturel de Shakespeare» dans cette nouvelle production de l’Opéra de Dijon. Le costumier et scénographe britannique Ashley Martin-Davis sert à merveille cette mise en scène ultramoderne avec ses cubes qui voyagent sur scène au gré des scènes, dévoilant tantôt l’ancien roi couché dans son lit ensanglanté, tantôt une galerie des glaces, tantôt trois prophétesses entièrement nues. Loin de l’effet de mode, la modernité de la mise en scène est d’une efficacité saisissante. Nicola Raab, une autodidacte de l’opéra, «refuse» d’ailleurs catégoriquement «l’étiquette de metteuse en scène moderne», rappelant que les 40 opéras qu’elle a montés sont «très différents», avec des décors qui ne sont «pas toujours minimalistes», comme sa mise en scène de «Thaïs» de Massenet, au décor débordant.Jusqu’au 9 novembre à l’Opéra de Dijon.