Réguler les plateformes omniprésentes de Facebook, la mission impossible des politiques

Des sénateurs américains ont de nouveau promis, mardi, d’agir contre le pouvoir colossal de Facebook. Ils y sont vivement encouragés par une lanceuse d’alerte, une ancienne ingénieure du géant des réseaux sociaux venue témoigner au Congrès des dommages sociétaux causés par son ancienne entreprise. Mais jusqu’à présent, les efforts pour mieux réguler les plateformes omniprésentes du groupe américain ont été aussi lents qu’enthousiastes.  

– Au Congrès : Réduire le pouvoir économique de Facebook et encadrer sa politique de modération sont les deux principaux enjeux pour les élus américains férus de régulation technologique. Fin juin, une commission parlementaire a approuvé six projets de lois qui ouvrent la voie à de potentiels démantèlements de Google, Facebook, Apple et Amazon. Ces nouvelles législations leur interdiraient d’acquérir des concurrents. Elles imposeraient aussi la «portabilité» des données, permettant aux utilisateurs de Facebook de quitter plus facilement la plateforme avec leurs contacts et infos personnelles. Mais aucune date n’a encore été fixée pour un vote et la compatibilité avec le droit de la concurrence actuel n’est pas garantie. «L’élan antitrust va se briser contre un mur», a prédit l’analyste indépendant Dan Ives. En outre, les élus sont divisés, surtout sur les questions de liberté d’expression. 

– Au tribunal : Le président américain Joe Biden a donné un nouvel élan aux enquêtes et poursuites visant la Silicon Valley, mais là non plus, personne n’attend de procès ou de condamnations rapides. L’autorité américaine de la concurrence (FTC) et les procureurs de 48 Etats et territoires américains accusent Facebook de monopole illégal, mais leurs plaintes initiales ont été retoquées par un juge fédéral pour manque de précision. En août, la FTC a revu sa copie. Elle y soutient que le groupe a «illégalement racheté ou enterré les nouveaux innovateurs quand leur popularité devenait une menace existentielle», en référence à Instagram et à la messagerie WhatsApp, acquises en 2012 et 2014. L’autorité estime que «les réseaux sociaux personnels constituent un type de service en ligne unique et distinct», et un marché contrôlé à plus de 65% par Facebook et Instagram – donc un quasi-monopole. Facebook assure de son côté que la présidente de la FTC, Lina Khan, réputée pour son hostilité aux monopoles des grandes plateformes technologiques, «cherche à servir ses propres intérêts».

– A l’étranger : Bruxelles et Londres ont ouvert en juin des enquêtes contre Facebook pour déterminer si l’entreprise a exercé une concurrence déloyale, et ont prévu de collaborer. La Commission européenne soupçonne notamment le géant de la publicité numérique d’avoir utilisé des données recueillies auprès d’annonceurs présents sur ses plateformes, afin de les concurrencer sur leurs propres marchés. En matière de régulation, le vieux continent a pris une longueur d’avance avec l’entrée en vigueur en 2018 du règlement européen sur la protection des données (RGPD), qui encadre la récolte des informations personnelles à des fins publicitaires, le moteur économique de Facebook. Une loi ensuite copiée par certains Etats américains, comme la Californie. Du côté de la modération, la France oblige depuis l’été 2020 les plateformes à retirer sous 24 heures les contenus «manifestement» illicites. L’Australie, elle, a remporté une victoire en février, forçant les géants de la tech à payer en échange des contenus d’actualité, qui génèrent du trafic. Les médias australiens percevront ainsi des millions de dollars de Google et Facebook. En revanche, le projet de plusieurs pays européens de créer une taxe numérique internationale patine, notamment à cause de la réticence des Etats-Unis.