S.S. Rajamouli : tout 1er Oscar pour une production 100% indienne

387

Ses films tout en danse et chant tiennent du spectacle. Avec cette recette, le réalisateur S.S. Rajamouli peut prétendre à un succès historique: le tout 1er Oscar pour une production 100% indienne. Son dernier long-métrage «RRR» a explosé au box-office indien, séduit les publics américain et japonais et tient la corde pour le prix de la meilleure chanson originale aux Oscars, après avoir battu Taylor Swift et Rihanna pour le même prix aux Golden Globes. Histoire fictive tout feu tout flamme de trois heures, «RRR» suit deux révolutionnaires de l’ère coloniale dans des scènes d’action truffées d’effets visuels, ou bien une danse endiablée filmée devant le palais présidentiel de l’Ukraine – avant la guerre. «Quand je vais au cinéma, j’ai envie de voir des personnages plus grands que dans la (vraie) vie, des situations plus grandes que dans la (vraie) vie, des drames plus grands que dans la (vraie) vie», raconte le réalisateur indien. «Et c’est ce que j’aime faire», confie-t-il dans son bureau situé à Hyderabad, ville du sud de l’Inde. Propulsé par le bouche à oreille, «RRR», tourné en télougou, langue du sud indien, révèle au yeux du monde l’industrie cinématographique de la région, moins connue que celle de Bombay, Bollywood. Cette dernière est considérée comme la plus productive de la planète, mais ses innombrables films en langue hindi ne parviennent à s’imposer dans les festivals internationaux, dominés par les productions anglophones. Pourquoi y croire dans ce cas ? Parce que Bong Joon-ho a créé un important précédent en 2020 avec «Parasite», son drame 100% coréen récompensé de 4 Oscars, dont ceux du meilleur film et meilleur réalisateur. Jusqu’ici les seuls lauréats indiens ont été sacrés pour deux films en anglais: la coproduction anglo-indienne «Gandhi» (1982) et l’octuple oscarisé «Slumdog Millionnaire» (2008) de Danny Boyle, filmé à Bombay. S.S Rajamouli espère donc voir distingué le numéro de danse «Naatu Naatu» joué dans «RRR». De quoi, peut-être, paver la voie pour d’autres auteurs indiens. S.S Rajamouli est né dans le Karnataka, Etat du sud de l’Inde, d’un père scénariste. Bien qu’influencé tôt par des réalisateurs télougou, ce fan de Spielberg et Cameron s’est retrouvé happé par Hollywood. En 2015, il s’est fait un nom chez lui avec «Baahubali», film le plus cher jamais produit en Inde, qui a mené sa région au sommet du box-office national, toutes langues confondues. La suite en 2017 a été bien accueillie et les deux opus font toujours partie des films les plus rentables dans le pays. Le réalisateur a été «agréablement surpris» par le buzz de «RRR» en Occident. Bien qu’il soit apparu sur Netflix deux mois seulement après ses débuts dans 1.200 salles américaines en mars dernier, «RRR» est devenu l’un des films indiens les plus lucratifs en Amérique du Nord. Un «cas totalement unique» et «sans précédent», a commenté l’analyste David A. Gross, du Franchise Entertainment Research.Les spectateurs continuent d’être au rendez-vous, comme lors d’une rediffusion en janvier dans un célèbre cinéma d’Hollywood, où la séance a affiché complet en 98 secondes. Mais «RRR» fait l’objet de critiques. On lui reproche notamment de faire une promotion implicite du nationalisme hindou et de l’hypermasculinité à l’heure où les réalisateurs indiens, surtout de Bollywood, sont dans le collimateur de la droite sur les réseaux sociaux. Selon des critiques, les stars de Bollywood font face à une pression plus forte depuis l’arrivée du Premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi, en particulier les acteurs issus de la minorité musulmane comme Shah Rukh Khan et Aaamir Khan. Pour S.S Rajamouli, né dans une famille «profondément religieuse» mais devenu athée, «la religion c’est essentiellement de l’exploitation». «Je n’ai aucune intention cachée (…) Je fais des films pour ceux qui sont prêts à dépenser leur argent durement gagné dans un billet de cinéma», assure Rajamouli.