A la veille de l’élection présidentielle, la chaîne internationale BBC World, en collaboration avec l’Ecole de Journalisme de Sciences-Po, a tenu une conférence sur le thème: «les Médias internationaux peuvent-ils influencer ou non un événement national tel que l’élection présidentielle française?». Sont intervenus lors de cette conférence Christine Ockrent, Journaliste, Richard Porter, Directeur de l’Information de BBC World et James Graff, Chef du Bureau de Paris de «Time Magazine».
média + : Pensez-vous que les médias internationaux ont une influence sur la campagne présidentielle française ?
James Graff : Oui il y a une influence pointue pour légitimer les candidats qui sont nouveaux sur la scène politique à ce niveau-là. Je pense que pour Ségolène Royal lors de l’été 2006, puis à l’automne 2006, les médias internationaux ont joué un rôle très important pour légitimer cette candidate contre les «éléphants» du Parti Socialiste. Et ces derniers mois les médias internationaux ont joué le même rôle pour légitimer François Bayrou. Mais après cela, il reste un «jeu franco-français» et nous ne sommes pas dépourvus d’influence car c’est le lien entre les candidats et le peuple français qui fera la différence.
média+ : Pensez-vous que les candidats, du moins certains, «utilisent» les médias internationaux ? Christine Ockrent a fait remarquer que Ségolène Royal avait rendu un hommage à la politique de Tony Blair dans la presse anglaise, ce qu’elle n’aurait peut-être pas fait dans la presse française.
James Graff : Elle a fait référence à Tony Blair dans la presse anglaise d’une façon particulière, c’est sûr elle ne l’aurait pas fait en France. C’était une manière d’ouvrir une porte qu’elle ne pouvait ouvrir en France. D’un autre côté elle fait beaucoup de gaffes dans la presse internationale, ou lors de ses voyages. On peut jouer le jeu avec la presse internationale, mais cela peut avoir un effet boomerang. Désormais François Bayrou est très présent dans la presse internationale, mais en France il commence à perdre du terrain. On peut peut-être penser que c’est une invention de la presse, et non pas un vrai prétendant à l’Elysée. Cela peut donc être problématique. Pour Nicolas Sarkozy, sa stratégie électorale ne le pousse pas à s’adresser à la presse internationale, et en particulier à la presse anglo-saxonne car il a une image d’anglo-saxon, d’américain, et il ne veut pas faire amplifier le lien avec le système dit libérale, il pense que c’est un piège pour lui. Cela ne l’intéresse pas de faire des entretiens avec le «Time» (ndlr: ni d’ailleurs avec la BBC. Richard Porter directeur de l’information de BBC World revient d’Avignon où il a tenté en vain d’obtenir une interview du candidat de l’UMP).
média+ : Quelles sont les difficultés pour les journalistes étrangers pour trouver un angle, se dégager des clichés ?
James Graff : Il faut trouver un angle qui puisse être compréhensible pour le lectorat de notre pays et qui n’est pas déjà un angle déjà utilisé par la presse française. Pour ma part je travaille beaucoup à partir de cartes démographiques, mais aussi avec des professeurs de sciences politiques pour trouver un angle. Il y a des choses qui sont déjà intégrées pour les Français, mais qui ne le sont pas forcément pour nous. On s’aperçoit par exemple que Paris a cessé de s’agrandir, alors que des petites villes du sud-ouest ne cessent de se développer. Ça c’est un fait déjà intégré par les Français, mais c’est un angle qui peut intéresser mon lectorat et sur lequel je peux travailler. En Italie, lors des élections notre angle a été la jeunesse. Alors qu’il y avait deux «vieux» Romano Prodi et Silvio Berlusconi qui s’affrontaient, les jeunes étaient oubliés, ça c’est une perspective plus large qui intéresse nos lecteurs. Nous avons au «Time» particulièrement insisté sur la féminité de Ségolène Royal. Elle nous disait d’ailleurs il y a quelques mois que c’était ce qu’il y avait de plus important chez elle, ce n’est peut-être plus vrai maintenant, mais c’est véridique.