Mercredi, dans la nuit, le projet de loi sur le futur a été adopté par l’Assemblée Nationale, avec toutes les dispositions que les indépendants avaient craint : les chaînes «bonus» accordées à TF1, Canal+ et M6 et l’accès prioritaire des chaînes de la TNT à la télévision mobile personnelle et la haute définition. Philippe Gault réagit
média+ : Comment s’est passé l’adoption du texte ?
Pierre Gault : Les débats à l’Assemblée Nationale ont été très déconcertants. Nous n’avons pas l’impression d’avoir assisté à un examen sérieux du projet de loi sur la télévision du futur. Il est vrai que nous sommes dans une procédure d’urgence, mais ça ne veut pas dire qu’on bâcle l’examen du texte et de ses amendements. Il y a eu une série de suspensions de séance. Le président de séance, Jean-Luc Warsmann allait tellement vite dans le vote des amendements que tout le monde y compris les députés avaient du mal à suivre dans le texte. Il y a même eu un gag : Patrick Ollier, député UMP, a essayé en vain de défendre un amendement qu’il avait proposé. Celui-ci a été adopté tellement vite qu’il n’a pas eu le temps de parler. Il a fallu qu’il se batte avec le président pour expliquer quand même les raisons pour que les motivations de l’amendement se trouvent dans le compte-rendu de la séance. Ça a été comme ça toute la journée. À un moment Renaud Donnedieu de Vabres, le Ministre chargé du texte s’est absenté pendant une heure pour accueillir le Président de la République et Madame Pompidou pour le 30ème anniversaire du centre Georges Pompidou. Il a préféré une obligation mondaine à la télévision du futur!
média+ : Qu’est-ce que vous attendiez de cet examen ?
Pierre Gault : On en attendait un signe d’ouverture en faveur des chaînes indépendantes, qu’on les mentionne quelque part et qu’on ouvre un peu le paysage audiovisuel à d’éventuels nouveaux éditeurs, notamment pour la TNT locale ou pour la télévision mobile personnelle. On nous a fait croire que ce serait possible. Même en séance, le ministre a fait une sorte de «teasing» sur les dispositions, laissant croire qu’en fin d’examen, on allait voir les dispositions faisant de ce projet de loi, un texte indispensable pour les chaînes indépendantes. Au final, nous n’avons rien eu. Ça n’a servi qu’à donner la répartie à l’ensemble des groupes, à l’exception de l’UMP, qui se sont tous opposés fortement aux dispositions abracadabrantesques de ce projet de loi. C’est une loi de commande. D’ailleurs, hier, il y avait à peu près autant de lobbyistes des groupes audiovisuels que de députés en séance. Ils suivaient apparemment avec plus de facilité le travail d’accélération de l’examen du président de séance, du ministre et d’Emmanuel Hamelin, le rapporteur du texte.
média+ : Qu’est-ce qu’il se passe à présent ?
Pierre Gault : Je pense que rien n’est définitif. Nous voulons élargir le débat public sur cette loi. Nous nous adresserons au Président de la République en tant que garant des libertés constitutionnelles. L’audiovisuel est un espace important de l’exercice des libertés publiques. Nous lui demanderons que ce texte bâclé et déséquilibré n’aille pas au bout de sa procédure d’adoption. Ce serait très facile de faire abandonner cette loi. Elle n’est pas encore adoptée. En tout cas, je pense que cette loi sera modifiée, avant d’être totalement appliquée, quelque soit la majorité qui sortira des urnes. L’opposition y compris l’UDF ont émis de grandes réserves aux canaux «bonus» et à d’autres dispositions. On peut espérer que, de retour aux affaires, ils s’empresseraient de rectifier le tir avant que cette loi ait des conséquences désastreuses. Mais, même avec une victoire de la majorité actuelle, l’application de la loi imposera de modifier des choses. On ne peut pas imaginer que les Français auront 18 chaînes appartenant aux groupes TF1, M6, Canal+, accompagnés de trois nouveaux entrants, s’ils n’ont pas été rachetés d’ici-là. On ne peut pas croire que ce soit ça « le merveilleux paysage télévisuel numérique » !